Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenir du moins d’une amie la compassion à laquelle me donne droit ce malheur inattendu.

« Nous retournions au château par un sentier qui traverse un bois de sapins. Lucy avait quitté le bras d’Hazlewood : il n’y a que le cas d’une absolue nécessité qui le lui fasse accepter. Je m’appuyais toujours sur son autre bras ; Lucy nous suivait tout près, et le domestique marchait trois ou quatre pas en arrière. Telle était notre position, quand tout-à-coup, comme s’il sortait de dessous terre, Brown se présenta devant nous à un détour du chemin ; il était mis d’une façon très simple, très négligée, pour mieux dire, et il paraissait inquiet et agité. Je poussai un cri de surprise et de terreur. Hazlewood se méprit sur la nature de mon trouble ; et quand Brown s’avança comme pour me parler, il lui ordonna avec hauteur de se retirer et de ne point effrayer la dame à qui il donnait le bras ; Brown lui répondit, d’un ton aussi élevé, qu’il n’avait point de leçon à recevoir de lui sur la manière dont il devait se conduire avec cette dame ou avec toute autre. Je suis portée à croire qu’Hazlewood, préoccupé de la pensée que cet homme faisait partie de la bande des contrebandiers, et qu’il avait quelque mauvaise intention, entendit et comprit mal sa réponse ; il prit le fusil des mains du domestique, qui était alors sur la même ligne, et le dirigeant contre Brown, il lui commanda de ne pas avancer, sous peine de la vie. Mes cris, car j’étais si effrayée que je ne pouvais articuler une parole, ne servirent qu’à hâter la catastrophe. Brown, ainsi menacé, s’élança sur Hazlewood, lutta avec lui, et était au moment de lui arracher son arme, quand, au milieu de ce débat, le fusil partit : la balle dont il était chargé frappa Hazlewood à l’épaule. Il tomba à l’instant même. Je n’en vis pas davantage ; mes yeux se fermèrent, et je m’évanouis. Lucy m’a dit depuis que le malheureux auteur de cet accident contempla un moment le triste spectacle qu’il avait sous les yeux, jusqu’au moment où les cris qu’elle poussait ayant été entendus des personnes rassemblées sur le lac, plusieurs d’entre elles accoururent ; qu’alors il franchit la haie qui séparait le sentier de la plantation. Depuis lors on n’en a plus entendu parler. Le domestique n’essaya point de l’arrêter ou de le saisir, et le portrait qu’il en fit aux personnes qui étaient survenues les engagea à employer leur humanité à me rappeler à la vie plutôt que de poursuivre un vaurien qu’on leur représentait comme un homme d’une force extraordinaire et armé jusqu’aux dents.

Hazlewood fut transporté la maison (je veux dire à Wood-