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ressource du fermier est d’élever des chevaux. Le peuple aussi y est plus dur et moins hospitalier que dans toute autre partie du Cumberland, ce qui vient en partie de ses habitudes, en partie du grand nombre de vagabonds et de criminels qui cherchent dans cette contrée sauvage un refuge contre la justice.

Les habitants de ces contrées, à une époque plus reculée, étaient tellement l’objet des soupçons et de la haine de leurs voisins plus policés, qu’il y avait, et peut-être qu’il existe encore, un statut, dans la corporation des ouvriers de Newcastle, qui défendait à tout homme libre de cette cité de prendre pour apprenti un homme né dans le Waste. On a dit avec justesse : Voulez-vous tuer votre chien, dites qu’il est enragé ; on peut ajouter : Donnez à un homme, ou à une race d’hommes, une mauvaise réputation, ils finiront très probablement par mériter la potence. Brown connaissait ces particularités, et les dernières paroles échangées entre Dinmont et l’Égyptienne augmentaient son inquiétude. Mais d’un caractère hardi, il n’avait rien sur lui qui pût tenter les voleurs, et d’ailleurs il croyait traverser le Waste avant la nuit close. Cependant il se trompait : le chemin se trouva plus long qu’il ne l’avait présumé, et l’horizon commençait déjà à s’obscurcir au moment où il entrait dans des bruyères d’une étendue considérable.

Marchant donc avec soin et précaution, le jeune officier s’avançait dans un chemin creux qui tantôt traversait d’immenses bruyères, tantôt passait dans des trous et de profonds ravins remplis d’une matière tenant le milieu entre la boue et l’eau, et quelquefois était obstrué par des monceaux de cailloux et de pierres qu’un torrent ou une chute d’eau des collines voisines avait amenés dans cette terre marécageuse. Il s’étonnait qu’un homme à cheval pût avancer dans un si mauvais chemin ; et cependant il voyait encore les traces des fers du cheval ; il crut même entendre à quelque distance le bruit de ses pas. Convaincu alors que Dinmont devait aller moins vite que lui dans la bruyère, il résolut de forcer sa marche pour l’atteindre et profiter de la connaissance qu’il avait du pays. En ce moment son petit basset courut en avant en aboyant avec force. Brown hâta le pas, et gagnant le sommet d’une petite éminence, il vit quel était le sujet des aboiements de son chien. Dans un bas-fond à environ une portée de fusil de lui, un homme, qu’il reconnut facilement pour Dinmont, était engagé avec deux autres dans une lutte désespérée. Il était à bas de son cheval et se défendait du mieux qu’il le pouvait à l’aide de son énorme fouet. Notre