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Quand Mac-Morlan lui eut fait part de la proposition du colonel, il tourna sur miss Bertram des yeux où semblaient se peindre la crainte et la défiance, comme si ce projet devait amener leur séparation ; mais quand il sut qu’elle aussi devait aller habiter Woodbourne, il joignit ses mains sèches, et les éleva vers le ciel avec une exclamation comparable à celle de l’Afrite, dans le conte du Calife de Vatheck[1]. Après cette explosion de joie, il reprit sa tranquillité ordinaire et ne s’inquiéta plus en aucune façon de cette affaire.

Il avait été convenu que M. et mistress Mac-Morlan iraient à Woodbourne quelques jours avant le colonel, pour tout préparer d’avance, et y établir miss Bertram. En conséquence, ils s’y rendirent dans les premiers jours de décembre.



CHAPITRE XX.

L’ARRIVÉE.



C’était un génie gigantesque, capable de lutter avec toutes les bibliothèques.
Boswel. Vie de Johnson.


Le jour où le colonel Mannering et sa fille étaient attendus à Woodbourne luisait enfin. Le moment de leur arrivée approchait, et chacun des individus qui composaient le petit cercle rassemblé dans le château avait séparément ses motifs d’inquiétude. Mac-Morlan désirait naturellement obtenir la confiance et la clientèle d’un homme dont la fortune et la considération étaient si bien établies. Connaissant le cœur humain, il ne lui avait pas échappé que Mannering, quoique bon et généreux, voulait cependant que ses moindres ordres fussent exécutés avec exactitude et précision ; il cherchait donc à s’assurer si tout était disposé dans la maison conformément aux désirs et aux intentions du colonel, et la parcourait depuis le grenier jusqu’à l’écurie. Mistress Mac-Morlan, renfermant sa surveillance dans un cercle moins étendu, allait de la salle à manger à la cuisine, et de la cuisine à la chambre de la femme de charge : tout ce qu’elle craignait, c’est que l’arrivée tardive du propriétaire ne fît tort au dîner, et ne donnât une mauvaise opinion de ses talents et de son activité. Dominie même, sortant de la léthargie dans laquelle le retenait son flegme ordinaire, avait regardé

  1. Roman dont lord Byron, dans les notes de son Giaour, loue beaucoup la teinte orientale. a. m.