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ans, la principale héroïne. Elle se plaisait dans les petits mystères, les intrigues, les secrets, et tremblait cependant en songeant à l’indignation que ces pitoyables manœuvres exciteraient dans l’esprit de son mari. Ainsi souvent elle formait un plan purement par plaisir, ou peut-être par esprit de contradiction, s’avançait plus loin qu’elle n’aurait voulu, cherchait à se tirer d’embarras par de nouvelles ruses, ou à couvrir ses erreurs par la dissimulation, se trouvait enveloppée dans ses propres filets, et était forcée, dans la crainte qu’on ne les découvrît, de continuer des manœuvres qui dans le principe n’avaient été qu’un simple badinage.

Heureusement le jeune homme qu’elle avait reçu si imprudemment dans sa société intime, et encouragé dans son attachement pour sa fille, avait un fonds d’honneur et de principes qui rendait sa présence moins dangereuse que mistress Mannering n’aurait dû espérer ou s’y attendre. On ne pouvait lui reprocher que l’obscurité de sa naissance ; sous tous les autres rapports,

Dans ses projets brillants il voulait la victoire ;
Il aimait la vertu, idolâtrait la gloire ;
Et, d’après le chemin qu’il avait su choisir.
On voyait les succès qu’il pouvait obtenir.

Mais pouvait-il éviter le piège que l’imprudence de mistress Mannering avait tendu sous ses pas ? Il s’attacha donc à une jeune fille dont la beauté et les manières eussent fait naître sa passion, même là où elles se rencontrent plus souvent que dans une forteresse éloignée, dans nos établissements des Indes. Les suites funestes de la conduite de son épouse ont été détaillées dans la lettre de Mannering à M. Mervyn, et revenir sur ce sujet, serait abuser de la patience de nos lecteurs.

En conséquence, nous allons donner, comme nous l’avons déjà fait, des extraits des lettres de miss Mannering à son amie.


sixième extrait.


« Je l’ai revu, Mathilde, je l’ai revu deux fois ! J’ai épuisé tous les arguments pour le convaincre que ces entretiens secrets étaient dangereux pour nous deux ; je l’ai même pressé de poursuivre ses projets de fortune, sans penser plus long-temps à moi ; je lui ai dit que la certitude de le voir échappé aux suites du ressentiment de mon père me rendait le calme et le bonheur. Il m’a répondu ; et comment pourrais-je vous détailler tout ce qu’il a trouvé à me répondre ? Il a réclamé comme son bien les espérances que