Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fidélité à répondre à mes longues lettres ! Je vous en prie, ne manquez pas de m’écrire trois fois par semaine, pour le moins. Vous devez avoir toujours quelque chose à me dire. »


cinquième extrait.


« Comment vous communiquer ce que j’ai maintenant à vous annoncer ? Ma main et mon cœur sont encore tellement agités, qu’il m’est presque impossible d’écrire ! N’ai-je pas dit qu’il vivait, que je ne voulais pas désespérer ? Comment pouvez-vous me dire, ma chère Mathilde, que l’âge auquel je l’ai quitté vous fait croire que les sentiments que je conserve pour lui prennent naissance dans mon imagination plutôt que dans mon cœur ! Oh ! j’étais sûre qu’ils étaient véritables ; mon cœur ne me faisait pas illusion. Mais revenons à mon récit, et qu’il soit, ma chère amie, le gage le plus sincère comme le plus sacré de notre amitié.

« À Mervyn-Hall, nous nous séparons de bonne heure, de trop bonne heure pour que mon cœur en proie à ses agitations puisse se livrer au repos. Aussi je lis ordinairement pendant une heure ou deux, après m’être retirée dans ma chambre, qui, je crois vous l’avoir dit, a un petit balcon qui donne sur le lac magnifique dont j’ai essayé de vous donner une faible esquisse. Mervyn-Hall est un ancien château situé sur le bord de ce lac. L’eau est assez profonde pour qu’un esquif puisse venir toucher les murs. Hier soir j’avais laissé ma fenêtre entr’ouverte, afin de pouvoir, avant de me mettre au lit, contempler la campagne et jouir du clair de lune reflété par le lac. J’étais occupée à lire cette belle scène du Marchand de Venise, où deux amants, décrivant le calme d’une nuit d’été, enchérissent à l’envi sur ses charmes. Mon cœur était agité des sentiments qu’ils expriment, lorsque j’entendis sur le lac le son d’un flageolet. Je vous ai dit que c’était l’instrument favori de Brown. Quel autre pouvait en jouer dans une nuit qui, quoique calme et tranquille, était trop froide à cette saison avancée de l’année pour que personne fût tenté de faire une promenade sur l’eau à une telle heure ! Je m’approchai plus près de la fenêtre ; j’écoutai avec la plus grande attention : je respirais à peine. Les sous s’arrêtèrent pendant un moment, ensuite ils recommencèrent, s’arrêtèrent de nouveau, et de nouveau vinrent frapper mon oreille en s’approchant de plus en plus. À la fin je distinguai clairement ce petit air hindou que vous appeliez mon air favori. Je vous ai dit qui me l’avait appris ; j’avais reconnu son instrument ; ses notes ! Était-ce une mu-