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c’est la voix de ce misérable Glossin ; si mon père le voit, c’en est assez pour le tuer ! »

Sampson tourna perpendiculairement sur ses talons, et marcha à grands pas à la rencontre de l’attorney, au moment où il sortait d’une des arcades du vieux château. « Hors d’ici ! s’écria-t-il, hors d’ici !… Voulez-vous le tuer et vous emparer de ses biens ? — Allons, allons, maître Dominie Sampson, répondit Glossin avec insolence, si vous ne pouvez pas prêcher en chaire, vous ne prêcherez pas ici. Nous venons appuyés par la loi, mon bon ami, et nous vous laissons l’Évangile. »

Le nom seul de cet homme avait été récemment un sujet d’irritation violente pour le pauvre malade. Le son de sa voix produisit alors le même effet instantané. M. Bertram se leva sans aide, et se tournant vers Glossin, il lui dit avec un accent de colère qui formait un étrange contraste avec la pâleur de son visage : « Hors de ma vue, vipère ! infâme vipère, qui perces le sein qui t’a réchauffée. Ne crains-tu pas que les murs du château de mes pères ne s’écroulent sur toi et n’écrasent tes membres et tes os ? Ne crains-tu pas que le seuil de la porte du château d’Ellangowan ne s’entr’ouvre et ne t’engloutisse ? N’étais-tu pas sans amis, sans asile, sans argent, lorsque je t’ai tendu la main ? Et tu me chasses aujourd’hui, moi et cette jeune fille innocente, sans amis, sans asile, sans argent, de cette maison qui nous a abrités, nous et les nôtres, depuis des siècles. »

Si Glossin eût été seul, il se serait probablement éloigné ; mais le sentiment de la présence d’un étranger et de celle de la personne qui l’accompagnait et qui avait l’air d’un arpenteur, le détermina à payer d’effronterie. Cette tâche cependant était trop forte, même pour son effronterie. « Monsieur… monsieur… monsieur Bertram… monsieur, ce n’est pas à moi que vous devriez vous en prendre, mais à votre propre imprudence, monsieur… »

L’indignation de Mannering était à son comble. « Monsieur, dit-il à Glossin, sans chercher à connaître qui a tort ou raison dans cette querelle, je dois vous dire que le lieu, le temps et ma présence sont fort peu convenables pour cette explication ; et vous m’obligerez en vous retirant sans ajouter un seul mot. »

Glossin était un homme grand, vigoureux et musculeux ; il ne fut donc pas fâché d’avoir affaire à un étranger qu’il espérait effrayer, plutôt que de continuer à soutenir sa mauvaise cause contre son malheureux patron. « Je ne sais qui vous êtes, monsieur, et je