Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/101

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Mervyn Esq., de Mervyn-Hall, Llanbraithwaite, dans le Westmoreland. Elle contenait quelques détails sur les voyages du colonel, depuis qu’il avait quitté son ami, et elle continuait ainsi qu’il suit : « Et maintenait me reprocherez-vous encore ma mélancolie, Mervyn ? pensez-vous qu’après un laps de temps de vingt-cinq ans, qu’après des batailles, des blessures, des emprisonnements, des malheurs de toute espèce, je puisse être encore ce même Guy Mannering toujours gai, toujours vif, qui grimpait avec vous sur le Skiddaw, ou qui chassait les coqs de bruyère sur le Crossfell ? Mais vous, qui êtes resté dans le sein de votre bonheur domestique, qui avez éprouvé peu de changement, que votre marche soit aussi légère et votre imagination aussi riante et aussi joyeuse, c’est un heureux effet de la santé et du caractère, auquel se joint le contentement d’avoir doucement descendu le fleuve de la vie. Mais ma carrière, à moi, a été semée de difficultés, de soupçons et d’erreurs. Dès mon enfance j’ai été le jouet des accidents, et quoique un bon vent m’ait souvent conduit au port, Je suis rarement arrivé dans celui où je désirais aborder. Laissez-moi vous rappeler, mais en quelques mots, les singuliers et bizarres événements de ma jeunesse et les malheurs de mon âge mûr.

« Les premiers, vous le savez, n’ont rien de très effrayant ; tout n’était pas pour le mieux, mais tout était supportable. Mon père, fils aîné d’une famille ancienne mais peu riche, me laissa pour tout héritage un nom à soutenir et la protection de ses frères plus fortunés que lui. Ils m’aimaient tant, qu’ils se querellaient presque pour moi.

« Mon oncle l’évêque aurait voulu me faire entrer dans les ordres, il m’offrait un bénéfice ; mon oncle le négociant voulait me placer dans une maison de commerce, et me proposait de me donner un intérêt dans sa maison, qui serait devenue celle de Mannering et Marshall, dans Lombard-Street. Ainsi, entre ces deux chaises, ou plutôt entre ces deux sièges doux, commodes, bien étoffés, de prêtre et de commerçant, mon infortunée personne glissa, et tomba à cheval sur une selle de dragon. Alors l’évêque voulut me marier à la nièce et à l’héritière du doyen de Lincoln ; et mon oncle l’alderman me proposa la fille unique du vieux Slœthorn, gros marchand de vins, assez riche pour jouer et se servir, au jeu, de moidores pour jetons, et envelopper le fil dans des billets de banque ; je tirai mon cou de ces deux nœuds et j’épousai la pauvre… la pauvre Sophie Wellwood.