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l’Angleterre), et il prit congé de lui de la manière la plus affectueuse.

L’étranger mystérieux partit, mais ses paroles restèrent gravées dans l’esprit du père, en proie à la plus vive inquiétude. Il perdit son épouse lorsque son fils était encore en bas âge. Ce malheur, je pense, avait été prédit par l’astrologue ; et la confiance que, comme la plupart des gens de cette époque, il accordait naturellement à l’astrologie, se trouva confirmée et mieux affermie que jamais. On eut cependant le plus grand soin de se conformer au plan d’éducation sévère et presque ascétique que le sage avait conseillé. Un précepteur de principes rigides fut choisi pour diriger l’éducation du jeune enfant ; il était entouré de domestiques du caractère le plus éprouvé, et son père le surveillait lui-même avec la plus grande sollicitude.

Les années de l’enfance et celles de l’adolescence se passèrent aussi bien que le père pouvait le désirer. Un jeune Nazaréen n’aurait pas été élevé avec plus de rigueur. Tout ce qui était mal était soustrait à ses regards, il n’entendait que des maximes pures, il n’était témoin que d’actions dignes d’être imitées.

Mais lorsque l’enfant devint jeune homme, son père, toujours attentif, découvrit des causes d’alarmes. Des accès de tristesse, qui prirent graduellement un caractère plus sombre, commencèrent à affecter le moral du jeune homme. Des larmes qui paraissaient involontaires, un sommeil agité, des promenades à la clarté de la lune, et une mélancolie dont il ne pouvait donner la raison, semblaient menacer à la fois sa santé et ses facultés intellectuelles. L’astrologue, consulté par lettre, répondit que cet état d’esprit était le commencement de l’épreuve, et que le pauvre pupille allait avoir à soutenir une lutte de plus en plus terrible avec la maligne influence… Il n’y avait aucun espoir d’y remédier, à moins qu’il ne montrât une grande ardeur dans l’étude des saintes Écritures. « Il souffre, disait le sage dans sa lettre, par l’éveil de ces harpies, les passions, qui ont sommeillé chez lui comme chez les autres hommes, jusqu’à l’âge qu’il va atteindre. Il vaut mieux, mille fois mieux, qu’elles le tourmentent par des sollicitations sans charme, que par des tentations séduisantes qu’il se repentirait d’avoir assouvies par une faiblesse criminelle. »

Les dispositions du jeune homme étaient si excellentes, qu’il combattit par la raison et la religion les noirs accès de mélancolie qui obscurcissaient de temps en temps son esprit, et ce ne fut