Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/99

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pages ; papier, tant ; impression, tant. Ah ! je vous conseille, docteur, de nous retrancher quelques citations latines et grecques ; c’est lourd, docteur, terriblement lourd ; je vous demande pardon, docteur, il faudrait aussi y jeter quelques grains de poivre ; je n’ai point l’habitude de juger les ouvrages ; j’ai publié pour Drake, pour Charlwood, Lawton, et pour le pauvre Amhurst[1]. Ah, Caleb, Caleb ! c’eût été une honte de laisser mourir de faim ce pauvre Caleb, quand nous avons chez nous tant de recteurs et de squires si gras. Je lui donnais à dîner une fois par semaine ; mais, Dieu me garde ! qu’est-ce qu’un dîner un jour de la semaine quand on ne sait où aller manger les autres jours ? Eh bien, je ferai voir votre manuscrit au petit jurisconsulte Tom Alibi, que j’ai chargé de toutes mes affaires : il ne faut pas aller contre le vent. La populace a été très-malhonnête envers moi la dernière fois que je suis monté à la cour du vieux palais. Ce sont tous des whigs, des têtes-rondes, des guillaumistes, des rats de Hanovre. »

Le lendemain M. Pembroke revint trouver l’éditeur, qui lui annonça que, d’après l’avis de Tom Alibi, il était déterminé à ne point publier son ouvrage. « Pour l’Église j’irais avec plaisir aux… (qu’allais-je dire ?) aux colonies, cher docteur, si je n’avais une femme et une famille ; mais pour vous prouver mon désir de vous être utile, je recommanderai votre affaire à mon voisin Trimmel : il est garçon, et prêt à se retirer du commerce ; de sorte qu’un voyage dans nos colonies occidentales n’aurait pas pour lui un grand inconvénient. » M. Trimmel ne fut pas plus accommodant, et M. Pembroke, peut-être heureusement pour lui, fut obligé de revenir à Waverley-Honour, et d’y rapporter saine et sauve, dans ses bagages, sa défense des vrais principes fondamentaux de l’Église et de l’État.

  1. Nicolas Amhurst, célèbre écrivain politique, qui dirigea pendant quelques années une feuille appelée Le Craftsman sous le nom supposé de Caleb d’Anvers. Il était partisan des torys, et seconda avec beaucoup d’habileté les attaques de Pulteney contre sir Robert Walpole. Il mourut en 1742, abandonné de ceux dont il avait servi la cause, et dans la dernière misère.
    Amhurst survécut à la chute du ministère Walpole, et avait droit de s’attendre à voir ses travaux récompensés. Si nous excusons Bolingbroke, qui avait à peine sauvé quelques débris de sa fortune, nous ne pouvons justifier Pulteney, qui pouvait aisément donner à cet écrivain une existence honorable. On m’a dit qu’il avait donné en tout à Amhurst une cargaison de vin ! Amhurst mourut, dit-on, de chagrin, et inhumé aux frais de son honnête imprimeur, Richard Francklin. (Lord Chersterfield’s Characters reviewed, p. 42.)
    Cette note est de l’auteur. a. m.