Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/94

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veux parler de tout danger qui ne soit point utile ; gardez-vous de faire société avec les libertins, les joueurs et les whigs, dont je crains que vous ne trouviez un trop grand nombre au service. Votre colonel est, à ce qu’on m’a dit, un excellent homme, pour un presbytérien ; mais vous n’oublierez pas ce que vous devez à Dieu, à l’église d’Angleterre, » et il allait, selon la rubrique, ajouter le mot roi ; mais comme, malheureusement, il y en avait deux pour lui, le chevalier termina autrement : « à l’église d’Angleterre et à toutes les autorités constituées. » Et sans poursuivre davantage ses recommandations, il conduisit son neveu aux écuries, afin de lui montrer les chevaux qu’il lui destinait pour son service. Deux étaient noirs, de la couleur adoptée pour le régiment, deux superbes chevaux d’escadron ! trois autres, également vigoureux, étaient pour la route et pour les deux domestiques qui devaient quitter avec lui le château ; il devait, s’il trouvait qu’un groom lui fût nécessaire, le choisir lui-même en Écosse.

« Vous allez partir avec une bien petite suite, ajouta le baronnet, si on la compare à celle de sir Hildebrand lorsqu’il passa en revue devant la grille du château un corps de cavalerie plus considérable que tout votre régiment. J’aurais désiré que les vingt jeunes paysans de mes domaines qui se sont engagés dans votre compagnie vous eussent accompagné en Écosse : c’eût été quelque chose au moins ; mais on m’a dit que cela serait contre l’usage de nos jours, où l’on cherche tous les moyens d’anéantir l’autorité du seigneur sur les vassaux. »

Sir Éverard avait agi de son mieux pour faire revivre une coutume tombée en désuétude ; il avait doré la chaîne qui attachait les recrues à leur jeune capitaine, non-seulement par un copieux repas de bœuf et d’ale, par une fête d’adieu, mais encore par des dons pécuniaires, plus propres à porter les jeunes soldats à la bonne chère qu’à la discipline pendant la route. Après l’inspection des chevaux, sir Éverard ramena son neveu dans la bibliothèque, où il lui remit une lettre pliée avec soin, entourée, suivant l’ancien usage, d’un ruban de soie, et scellée du cachet aux armes des Waverley. Cette lettre était adressée, avec les formules ordinaires : « À Cosme Comyne Bradwardine, esquire de Bradwardine, à sa résidence de Tully-Veolan, dans le Perthshire, North-Britain — Cette missive lui sera remise par le capitaine Édouard Waverley, neveu de sir Éverard Waverley, de Waverley-Honour, baronnet. »