Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/87

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Toutefois, la tante Rachel eut assez d’adresse pour atteindre le but de sa sollicitude ; elle eut soin de rappeler que tous les représentants de leur maison avaient ou visité les pays étrangers, ou servi leur pays dans le métier des armes, et elle appela à l’appui de son assertion l’arbre généalogique, autorité que sir Éverard avait toujours reconnue ; et l’on en vint à proposer à M. Richard Waverley de faire voyager son fils sous la conduite de son précepteur, M. Pembroke, avec une somme convenable que devait donner le baronnet. Le père d’Édouard n’objecta rien à cette proposition ; mais il en parla par hasard, à la table du ministre qui parut ne pas voir cela d’un bon œil. Voici la raison qu’il donna à Richard en particulier. « D’après le tour des opinions politiques de sir Éverard, il serait très-imprudent, disait-il, de laisser voyager sur le continent un jeune homme des plus heureuses espérances, avec un gouverneur du choix de son oncle, et soumis sans doute à ses instructions ; quelle serait alors, ajoutait-il, la société de M. Édouard Waverley à Paris, à Rome, où toutes sortes de pièges lui seraient tendus par le Prétendant et ses fils ? chose que monsieur Waverley doit prendre en considération : pour moi, continua-t-il, je crois pouvoir dire que sa majesté apprécie trop bien les services de M. Richard Waverley, pour que, si son fils voulait servir quelques années, on ne lui donnât pas une compagnie dans un des régiments de dragons arrivés dernièrement de Flandre.

On ne pouvait sans danger repousser une telle proposition, sur laquelle le ministre insista ; et Richard Waverley, tout en appréhendant de choquer les préjugés de son frère, ne put s’empêcher d’accepter ce qu’on lui offrait pour son fils. Il est vrai qu’il fondait avec raison un grand espoir sur la tendresse de sir Éverard pour Édouard, et dans son idée son fils ne pouvait la perdre en se soumettant à l’autorité paternelle.

Deux lettres, l’une adressée au baronnet, l’autre à son neveu, partirent aussitôt pour annoncer cette détermination. La lettre adressée à Édouard énonçait simplement le fait et lui indiquait les préparatifs qu’il avait à faire avant de se rendre à son régiment. Richard écrivit à son frère plus longuement et d’une manière plus détournée ; il adoptait avec toute la grâce possible son avis de faire voir un peu le monde à Édouard, et le remerciait même, avec les expressions les plus humbles, de sa généreuse proposition, ajoutant, toutefois, qu’Édouard ne pouvait malheureusement