Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/82

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ses taupes, ses wyverns[1] et ses dragons, avec toute l’amertume d’Hospur lui-même, quelquefois aussi les récits du baronnet l’intéressaient vivement et le récompensaient de son attention.

Les exploits de Wilibert de Waverley en Terre-Sainte, sa longue absence et ses périlleuses aventures, sa mort supposée, et son retour le soir où la dame de ses pensées, sa fiancée, venait d’épouser celui qui, pendant son absence, l’avait défendue de l’insulte et de l’oppression ; la générosité avec laquelle le croisé se désista de ses droits pour aller chercher dans un monastère la paix que rien ne peut troubler[2] ; ces récits et d’autres semblables faisaient battre son cœur et couler ses larmes. Il n’écoutait pas avec moins d’attendrissement sa tante, miss Rachel, racontant les souffrances et le courage de lady Alice Waverley durant la grande guerre civile. L’expression de la physionomie de la respectable demoiselle, ordinairement douce et bienveillante, prenait alors un caractère de majesté et de grandeur, lorsqu’elle racontait comment Charles, après la journée de Worcester, avait trouvé un abri toute une journée à Waverley-Honour, et comment, lorsqu’un corps de cavalerie s’approchait pour faire des recherches dans le château, lady Alice ordonna à son plus jeune fils d’aller avec une poignée de domestiques le charger, et faire diversion pendant une heure, au péril de leur vie, pour laisser au roi le temps de s’échapper. « Que Dieu lui soit en aide ! » s’écria mistriss Rachel en arrêtant ses yeux sur le portrait de l’héroïne,… « elle paya assez cher le salut de son roi, par la vie de son enfant chéri, qu’on amena ici prisonnier et blessé mortellement ; vous pouvez suivre encore les traces de son sang depuis la grande porte du château, le long de la petite galerie, jusqu’au salon, où il fut apporté, et mourut bientôt aux pieds de sa mère. Mais il y eut alors entre eux un échange de consolation ; car le jeune homme comprit au regard de sa mère que le but de sa défense désespérée était atteint. Ah ! je me souviens, ajouta-t-elle,

  1. Petits animaux imaginaires avec des ailes, et dont on fait usage dans la science héraldique. a. m.
  2. « Ceci, observe l’auteur, se rapporte à une légende appartenant à la famille du chevalier Bradshaigh, propriétaire de Haigh-hall, dans le comté de Lancaster, où, m’a-t-on dit, cet événement, était rappelé sur les vitraux peints d’une croisée. La ballade allemande le Noble Moringer roule sur un sujet semblable. On conçoit que beaucoup d’aventures semblables ont dû arriver à une époque où la distance rendant les communications très-difficiles, laissait circuler sur le sort des croisés absents de faux rapports, auxquels on ajoutait foi trop rapidement peut-être dans leur pays natal. »