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en mariant leur représentant avec Judith, héritière d’Olivier Bradshawe de Highley-Park, dont les armes, les mêmes que celles de Bradshawe le régicide, avaient été écartelées avec l’ancien écusson de Waverley. Toutefois, dans son mouvement de colère, sir Éverard avait perdu le souvenir de ces griefs ; et si le notaire Clippurse, qu’il avait envoyé chercher par son groom, était arrivé une heure plus tôt, il eût eu le bénéfice d’un transfert de la seigneurie et du domaine de Waverley-Honour avec ses dépendances.

Mais une heure de réflexion froide est d’un grand poids, lorsque nous l’employons à peser les inconvénients de deux mesures dont aucune ne nous plaît intérieurement. Clippurse trouva son seigneur plongé dans une méditation profonde qu’il n’osa pas troubler autrement qu’en tirant de sa poche son papier et son écritoire de cuir, pour montrer qu’il était prêt à minuter les volontés de Sa Seigneurie. Cette petite manœuvre embarrassa sir Éverard, qui la considéra comme un reproche de son indécision : il regarda donc le notaire avec l’intention d’en finir, lorsqu’au même instant le soleil se dégageant d’un nuage répandit à travers les vitraux peints la couleur variée de ses rayons dans le sombre cabinet où ils étaient assis : aussitôt les yeux du baronnet se portèrent sur l’écusson central décoré de la devise que son aïeul portait, dit-on, à la bataille d’Hastings : trois hermines passant, argent, sur champ d’azur, avec la devise : Sans tache.

« Périsse notre nom, s’écria sir Éverard, plutôt que de voir ce symbole d’antique loyauté souillé par les armes flétries d’un traître de tête-ronde ! »

Tout cela fut l’effet d’un rayon de soleil à peine suffisant pour qu’à sa clarté Clippurse pût tailler sa plume ; mais la plume fut inutilement taillée, et le notaire fut congédié avec recommandation de se tenir prêt au premier ordre.

L’apparition du notaire au château donna lieu à beaucoup de conjectures de la part de ce monde dont Waverley-Honour était le centre ; mais les plus fortes têtes politiques de ce petit univers tirèrent des conséquences plus fâcheuses encore pour Richard Waverley, d’un événement qui suivit de près son apostasie. Ce n’était rien moins qu’une excursion du baronnet, dans sa voiture à six chevaux, avec quatre laquais en riche livrée, pour faire une visite de quelque durée à un noble pair, habitant sur les limites du comté, ayant un nom sans tache, les principes d’un vrai tory, et père heureux de six filles accomplies prêtes à marier.