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vernahyle, qu’il épargnait tandis qu’il livrait au pillage le pays d’alentour et cherchait dans toutes les directions les chefs de l’insurrection, particulièrement Stewart. Celui-ci était alors bien plus près d’eux qu’ils ne le pensaient ; car, soigneusement caché dans une caverne (comme le baron de Bradwardine), il resta plusieurs jours si près des sentinelles anglaises, qu’il pouvait distinctement les entendre procéder à l’appel. Sa nourriture lui était apportée par une de ses filles, âgée de huit ans, que madame Stewart avait été dans la nécessité de charger de cette commission : car ses propres mouvements et ceux des autres membres plus âgés de sa famille étaient rigoureusement observés. Douée d’un esprit au-dessus de son âge, cette enfant avait contracté l’habitude d’errer au milieu des soldats, qui avaient pour elle quelque amitié ; elle saisissait ainsi le moment où, n’étant pas remarquée, elle pouvait se glisser dans un bosquet, où elle déposait à un endroit convenu la chétive provision qu’elle apportait et que son père pouvait ainsi trouver. Invernahyle exista quelques semaines à l’aide de ces secours précaires ; et comme il avait été blessé à la bataille de Culloden, ses fatigues étaient encore aggravées par la douleur qu’il ressentait de ses blessures. Après que les soldats eurent éloigné leurs quartiers, il échappa à la mort d’une manière non moins étonnante.

Comme alors il se hasardait de se rendre le soir à son habitation qu’ordinairement il quittait le matin, il fut épié par un parti d’ennemis qui tirèrent sur lui et le manquèrent. Le fugitif ayant été assez heureux pour échapper à leurs recherches, ils revinrent à sa maison, accusant sa famille de recevoir un des traîtres proscrits. Une vieille femme eut la présence d’esprit de soutenir que l’homme qu’ils avaient vu était le berger. « Pourquoi ne s’arrêtait-il pas lorsque nous l’appelions ? » dit le soldat. — » Le pauvre homme ! hélas ! il est aussi sourd qu’une bûche… » répondit la vieille servante rusée. — « Qu’on l’envoie quérir sur-le-champ. » On alla donc chercher le véritable berger sur la montagne, et comme on avait eu le temps de lui faire sa leçon, il était, à son arrivée, aussi sourd que besoin était pour soutenir son rôle. Invernahyle obtint dans la suite son pardon, en vertu de la loi d’amnistie.

L’auteur l’avait fort bien connu, et tenait ces circonstances de sa propre bouche. Invernahyle offrait la noble image de ces anciens Highlanders ; il descendait d’une antique famille, était galant, courtois, et d’une bravoure chevaleresque. Il s’était, je crois,