Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/60

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On peut citer comme un témoignage irrécusable à cet égard plusieurs traditions, et surtout celle qui concerne le chevalier du Miroir[1]

  1. Un récit des événements de l’époque, composé en vers grossiers, contenant quelques particularités frappantes, et encore en grande faveur dans les dernières classes du peuple, offre une peinture véridique de la conduite des montagnards et de la licence militaire qui les caractérise. En voici une traduction à peu près littérale :
    « Maintenant, aimables lecteurs, je désire vous faire connaître toutes mes pensées tous les sentiments que mon cœur éprouve. Il est inutile de contester, ou même de censurer, car dans ce que j’ai à vous dire il n’y a pas un mot que je puisse changer : ainsi il faut que vous prêtiez l’oreille.
    « Des deux côtés il se trouvait des hommes cruels : je les voyais assassinant de sang-froid ; je ne parle pas des gentilshommes, mais de quelques êtres sauvages et grossiers, la lie de l’armée, qui, ne ressentant aucune haine pour les blessés, n’étaient animés que du désir de répandre le sang.
    « À Preston et à Falkirk même, avant que cette nuit fatale devînt obscure, on les surprit perçant les blessés de leurs poignards. Aussi quelques-uns de ces infortunés s’écriaient : « Les sauvages, les Turcs, montrent plus de pitié ; ils laissent mourir en paix les pauvres soldats couverts de blessures. »
    < ! Malheur à ceux qui se montrent coupables de ce zèle fanatique ! Frapper les blessés sur le champ de bataille !… De quoi ne sont-ils pas dignes, ceux qui osent commettre ce crime ? ils mériteraient qu’on usât à leur égard de la même cruauté.
    « J’ai vu les hommes appelés voleurs des Highlands piller les propriétés des Lowlands (Highlands veut dire hautes-terres d’Écosse, et Lowlands, les terres basses ou plaines. a. m. ; mander leur soupe, et jeter les vases à la porte ; prendre, sans payer les coqs, les poules, les brebis et les porcs.
    « J’ai vu un Highlandais, très-risible s’il en fut jamais, avec un cordon de boudins pendus à une perche jetée sur ses épaules, sauter comme un renard en présence de Maggy qui l’accablait de malédictions ; et, franchissant le fumier et la fosse à fumier, se mettre à courir à toutes jambes.
    « Quand on les blâmait pour de telles action, ils vous répondaient souvent : « Il faut bien que les montagnards remplissent leur ventre. Vous ne voulez ni nous donner ni nous vendre ce dont nous avons besoin : nous voulons le prendre. Allez dire au roi Shorge et à Guillaume Shordy que nous voulons avoir à manger. »
    « J’ai vu les soldats, à Linto-Brig, parce qu’un homme n’était pas whig, ne lui laisser dans sa maison ni à manger ni à boire, brûler son chapeau et sa perruque, et puis le rouer de coups.
    Et dans les Highlands, ils furent assez cruels pour ne laisser aux habitants ni habits ni nourriture, et même pour brûler leurs maisons ; c’était tit pour tat (C’était la pareille pour la pareille. Tit et tat sont les deux expressions proverbiales écossaises et anglaises. a. m.) comment les montagnards peuvent-ils être doux quand ils pensent à cela ?
    « Et après tout, ô honte, ô malheur ! quelques-uns furent plus maltraités que des voleurs. Des hommes distingués, des chefs même, furent exposés à des traitements inhumains. En vérité, de pareilles cruautés ressemblaient aux tortures papistes.
    « Puis-je oublier ce qui eut lieu ouvertement à Carlisle, dans le plus fort de leur rage ! Alors on ne voyait plus dans les cœurs ni miséricorde ni pitié. Je secouai la tête devant de telles horreurs approuvées par tout le monde.
    « Presque tous se maudissaient, et bien peu priaient ; d’autres criaient huzza ! Ce jour-là on maudit les Écossais rebelles, et on les massacra comme des troupeaux destinés à être égorgés comme des bœufs.
    « Hélas ! chers concitoyens, faites que ces malheurs ne nous accablent plus, que la soif de la vengeance s’éteigne. Déposez vos armes ; empruntez et prêtez aux Anglais ; mettez fin à toutes ces dissensions.
    « À quoi servent ces vanités, cette vaine gloire ? Ne possédons-nous pas le meilleur des rois ? Soyons sobres et doux ; vivons en paix ; car je vois que beaucoup de ceux qui sont obstinés finissent par se faire casser la tête. »