Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/493

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se sauvèrent au galop à Gladsmuir, avant que nous en eussions tué une demi-douzaine. Ils ont l’air assez braves aujourd’hui. » Le prêtre le supplia de garder le silence.

La voiture approcha ; Fergus se retourna, serra Waverley dans ses bras, le baisa sur les deux joues, et monta légèrement à sa place ; Maccombich se plaça à côté de lui. Le prêtre devait les suivre dans un carrosse appartenant à son patron, le gentilhomme catholique chez qui demeurait miss Flora. Au moment où Fergus tendit la main à Édouard, les rangs se formèrent autour du tombereau, et le cortège se mit en marche pour sortir de la cour. Il s’arrêta un moment à la porte, pendant que le gouverneur du château et le grand-shérif accomplissaient les formalités d’usage quand l’autorité militaire remet la personne des criminels entre les mains de l’autorité civile. « Dieu sauve le roi George ! » dit le grand-shérif, quand les formalités furent accomplies ; Fergus se leva dans la voiture, et d’une voix ferme et sonore il répondit : « Dieu sauve le roi Jacques ! » Ce furent les derniers mots que Waverley lui entendit prononcer.

Le cortège se remit en marche. La voiture disparut de dessous le portail, au milieu duquel elle s’était arrêtée un instant. On entendit alors le roulement funèbre des tambours, et leurs sons mélancoliques se mêlaient aux glas qu’on sonnait à la cathédrale voisine. Le bruit de la musique militaire allait en s’affaiblissant à mesure que le cortège s’éloignait ; et bientôt on n’entendit plus que le bruit triste et régulier des cloches.

Le dernier des soldats venait de disparaître de dessous la voûte, à travers laquelle ils avaient défilé pendant quelques minutes. La voûte était vide, mais Waverley demeurait toujours immobile, comme un homme stupide, les yeux fixés sur le sombre passage où il venait de voir pour la dernière fois l’image de son ami. À la fin, un domestique du gouverneur, touché de l’abattement profond que sa contenance exprimait, lui demanda s’il ne voudrait pas entrer chez son maître, et s’y asseoir. Il fut obligé de lui répéter deux fois cette question avant qu’il la comprît : enfin il revint à lui. Remerciant cet homme de son offre obligeante, par un geste brusque il enfonça son chapeau sur ses yeux, sortit du château, traversa le plus vite qu’il put les rues désertes, jusqu’à son auberge ; là, il se retira dans sa chambre, et en verrouilla la porte.

Après une heure et demie qui lui sembla un siècle d’angoisses