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le rappel. « C’est le dernier roulement, dit Fergus, que j’entendrai et auquel j’obéirai. Maintenant, Édouard, mon cher Édouard, avant de nous séparer, parlons de Flora. C’est un sujet qui réveille les sentiments les plus pénibles dans mon cœur déchiré ! »

« Nous ne nous séparerons pas ici, » dit Édouard.

« Si, il le faut ; vous ne viendrez pas plus loin. Non que j’appréhende ce qui va arriver pour moi-même, ajouta-t-il avec fierté. La nature a ses tortures comme l’art. Combien ne devons-nous pas estimer heureux celui qui échappe à la douloureuse agonie d’une maladie mortelle, dans l’espace de moins d’une demi-heure ! Et ce moment, qu’ils s’y prennent comme ils voudront, ne saurait durer plus long-temps. Mais ce qu’un homme mourant peut souffrir sans sourciller, ferait mourir un ami vivant qui en serait témoin. Cette loi de haute trahison, continua-t-il avec une fermeté et un sang-froid extraordinaires, est un des bienfaits dont votre pays libre a gratifié la pauvre Écosse. Nos lois nationales, à ce que l’on m’a dit, étaient beaucoup plus douces. Mais je suppose qu’un jour ou l’autre, quand il n’y aura plus de sauvages Highlandais à séduire par la clémence, les Anglais effaceront de leur code cette loi qui les rabaisse au niveau des cannibales. À cette parade barbare d’exposer une tête sanglante, ils n’auront pas l’esprit de placer sur la mienne une couronne de comte en papier ; il y aurait là une intention satirique, Édouard ; mais j’espère qu’ils l’attacheront à la porte d’Écosse, pour que je puisse regarder, même après ma mort, les montagnes bleues de mon pays, que j’aime si tendrement. Le baron ajouterait :

Moritur, et moriens dulces reminiscitur Argos[1]

Un grand bruit, les roues d’une voiture, des pas de chevaux retentirent dans la cour du château. « Comme je vous l’ai déjà dit, vous ne pouvez pas me suivre, continua Fergus ; ce bruit m’avertit que mon heure approche. Dites-moi comment vous avez trouvé la pauvre Flora. »

Waverley, d’une voix entrecoupée par l’émotion qui lui permettait à peine de respirer, lui dit quelques mots de l’état où il l’avait trouvée.

  1. Walter Scott cite le vers de Virgile de cette manière. Il est visible que la mémoire si riche et ordinairement si fidèle de sir Scott l’a trompé cette fois-ci. Non-seulement il cite à faux, mais il fait faire à Virgile une très-grosse faute de quantité. Le vers de Virgile est :
    Adspicit, et dulces moriens reminiscitur Argos.
    Æneid, lib. x, v. 782. a. m.