Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/489

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est en sûreté. » — « Que Dieu soit loué ! Racontez-moi les détails de sa fuite. »

Waverley lui raconta cette aventure merveilleuse, autant qu’on la connaissait alors ; Fergus l’écouta avec le plus vif intérêt. Il s’informa ensuite de plusieurs autres de ses amis, et lui fit les questions les plus minutieuses sur les hommes de son clan. Ils avaient moins souffert que les autres tribus qui avaient pris part l’insurrection. Après la prise de leur chef, selon la coutume ordinaire des Highlandais, ils s’étaient pour la plupart dispersés, et étaient rentrés dans leur pays ; de sorte qu’ils n’avaient plus les armes à la main quand l’insurrection fut entièrement étouffée, et avaient, pour cette raison, été traités avec moins de rigueur.

« Vous êtes riche, dit-il, Waverley, vous êtes généreux. Quand vous entendrez dire que ces pauvres Mac-Ivors sont tourmentés dans leurs étroites montagnes par quelque inspecteur ou quelque impitoyable agent du gouvernement, rappelez-vous que vous avez porté leur tartan, que vous êtes un enfant adoptif de leur tribu. Le baron, qui connaît nos mœurs et qui habite dans le voisinage de notre pays, vous apprendra quand ils auront besoin de votre protection, et comment vous pourrez les servir. Le promettez-vous au dernier Vich-Jan-Vohr ? »

Édouard, comme on le pense bien, donna sa parole ; et dans la suite il la tint si bien, que la mémoire de Waverley vit encore dans les chaumières des montagnards, sous le nom de l’ami des enfants d’Ivor.

« Plût à Dieu, continua le chef, que je pusse vous léguer mes droits à l’amour et à l’obéissance de ces hommes simples et braves ; ou au moins persuader, comme j’ai essayé de le faire, au pauvre Evan, d’accepter la vie aux conditions qu’ils lui ont offertes, et d’être pour vous ce qu’il fut pour moi, le plus tendre, le plus brave, le plus dévoué des hommes ! »

Les larmes que son propre sort n’avait pu lui arracher coulèrent en abondance sur celui de son frère de lait.

« Mais, dit-il en les essuyant, cela est impossible ; vous ne pouvez être pour eux Vich-Jan-Vohr. Ces trois mots magiques, continua-t-il en souriant, sont le seul Ouvre-toi, Sésame[1], qui puisse commander à leurs sentiments, à leur sympathie ; et le pauvre Evan suivra son frère de lait à la mort, comme il l’a suivi pendant toute sa vie. »

  1. Allusion à un conte des Mille et une nuits. a. m.