Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/486

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cette épreuve ! » — « Chère Flora, si votre force d’âme… »

« Ah ! oui, c’est là, répondit-elle un peu brusquement, c’est là, monsieur Waverley, le démon qui me déchire le cœur ; il me dit, mais ce serait une folie de l’écouter, que cette force d’âme, dont Flora était fière, a conduit son frère à la mort. » — « Bon Dieu ! comment pouvez-vous vous arrêter à une pensée si cruelle ? » — « Oui, sans doute. Cependant elle me poursuit comme un fantôme. Je sais que ce n’est qu’une chimère, une vision : mais elle est toujours là. Elle remplit mon esprit d’angoisses et d’horreur ; elle me dit que mon frère, impétueux autant qu’inconstant, aurait partagé son énergie entre mille objets différents. C’est moi qui lui apprit à la concentrer, et à l’employer tout entière au service de cette cause désespérée. Oh ! que ne puis-je me rappeler lui avoir dit une fois : « Celui qui tire le glaive périra par le glaive ! » Que ne lui ai-je dit une fois : « Demeurez à la maison ; réservez et vous-même, et vos vassaux, et votre vie, pour des entreprises qui ne soient pas au-dessus des forces de l’homme ! » Mais non ! monsieur Waverley, j’excitai son âme ardente, et sa ruine retombe pour la moitié au moins sur la tête de sa sœur. »

Édouard tâcha de combattre cette horrible idée par les raisons incohérentes qui s’offraient à son esprit troublé. Il lui rappela les principes dans lesquels ils avaient été élevés, et qu’ils regardaient comme un devoir de suivre.

« Ne croyez pas que je les aie oubliés, dit-elle en se retournant vers lui avec vivacité. Je ne m’afflige pas de son entreprise, comme coupable : oh non ! là-dessus je suis inébranlable ; mais parce qu’elle ne pouvait finir autrement qu’elle a fait. » — « Cependant elle ne parut pas toujours aussi hasardeuse, aussi désespérée ; et l’esprit audacieux de Fergus s’y serait toujours attaché, que vous l’eussiez approuvée ou non ; vos conseils ne servirent qu’à donner de l’unité et de la consistance à ses démarches, à rendre sa résolution plus digne, mais non plus périlleuse. » Flora n’écoutait plus Édouard, elle avait repris son ouvrage.

« Vous rappelez-vous, dit-elle avec un regard sombre, que vous me trouvâtes un jour travaillant aux cadeaux de noces pour l’épouse de Fergus, et maintenant je couds son habit nuptial. Les amis chez qui je suis en ce moment, continua-t-elle en étouffant son émotion, donneront un peu de terre sainte, dans une chapelle, aux restes sanglants du dernier Vich-Jan-Vohr. Mais ils ne seront pas tous ici… non… Sa tête… je n’aurai pas la dernière et