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Malgré la solennité du lieu, une espèce de rire se fit entendre dans l’auditoire, excité par cette proposition si extraordinaire. Le juge réprima cette indécence, et Evan, promenant autour de lui des regards sévères, quand le silence fut rétabli : « Si messieurs les Saxons, continua-t-il, rient parce qu’un pauvre homme comme moi pense que sa vie et celle de six de ses semblables vaut celle de Vich-Jan-Vohr, ils ont droit de rire ; mais s’ils rient parce qu’ils croient que je ne tiendrais pas ma parole et que je ne reviendrais pas pour le sauver, je puis leur dire qu’ils ne connaissent ni le cœur d’un Highlandais, ni l’honneur d’un gentilhomme. »

On n’eut plus envie de rire dans l’auditoire ; un silence profond suivit ces paroles. Le président prononça contre ces deux accusés la peine portée par la loi contre la haute trahison, avec tous les horribles accompagnements de cette peine. L’exécution fut fixée au lendemain. « Pour vous, Fergus Mac-Ivor, continua le juge, je ne puis vous donner aucune espérance de pardon ; vous devez vous préparer pour demain à vos dernières souffrances dans ce monde et à votre jugement dans l’autre. »

« C’est la seule chose que je désire, milord, » répondit Fergus avec la même voix tranquille et ferme.

Les yeux perçants d’Evan Dhu, qui avaient été constamment fixés sur son chef, se mouillèrent de larmes. « Pour vous, pauvre ignorant, reprit le juge, qui, en obéissant aux principes dans lesquels vous avez été élevé, nous avez montré aujourd’hui, par un grand exemple, comment le dévouement et la fidélité dus au roi seul et à l’état sont, d’après vos malheureuses idées de clan, transportés à un chef ambitieux qui en profite pour faire de vous des instruments de crimes ; pour vous, dis-je, j’éprouve tant de compassion que si vous voulez consentir à former une demande en grâce, je ferai mon possible pour la faire réussir. Autrement… »

« Point de grâce, point de grâce pour moi, répondit Evan. Puisque vous êtes décidé à répandre le sang de Vich-Jan-Vohr, la seule faveur que j’accepterais de vous, c’est d’ordonner qu’on me délie les mains, de me remettre ma claymore, et de m’attendre où vous êtes. »

« Emmenez ces prisonniers, dit le juge ; que leur sang retombe sur leur tête. »

Absorbé par ses réflexions, Édouard s’aperçut que la foule, en