Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/479

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le lecteur de fastidieux détails sur la manière de faire la cour il y a soixante ans ; il suffit de dire qu’avec un aussi rigide observateur de l’étiquette que le baron, tout se passa dans les règles. Il se chargea, le lendemain de leur arrivée, de communiquer les propositions de Waverley à Rose, qui les écouta avec toute la timidité d’une jeune fille. Toutefois la renommée ose dire qu’Édouard, le soir d’avant, lui avait appris en cinq minutes tout ce qu’il en était, pendant que le reste de la compagnie regardait trois serpents entrelacés qui formaient un jet d’eau dans le jardin.

Mes jolies lectrices décideront le cas : pour moi, je ne puis concevoir comment se peut faire, en si peu de temps, une communication si importante. Ce qu’il y a de certain, c’est que le baron mit une bonne heure à remplir sa tâche.

Waverley fut alors regardé comme amant en titre. La maîtresse de la maison, à force d’œillades et de sourires, parvenait toujours à le placer près de miss Bradwardine à table, près de miss Bradwardine au jeu. S’il rentrait dans le salon, et qu’une des quatre miss Rubrick fût à côté de Rose, elle avait soin de se rappeler que son dé ou ses ciseaux étaient à l’autre bout de la chambre, pour laisser vide la place la plus rapprochée de miss Bradwardine : et parfois, lorsque le papa et la maman n’étaient point là pour surveiller, les jeunes miss riaient tout à leur aise. Souvent le vieux laird lançait sa plaisanterie ; la vieille dame de Duchran, sa remarque ; le baron faisait comme les autres ; mais Rose alors n’avait que la peine de conjecturer le sens, car ses bons mots étaient en latin. Les domestiques eux-mêmes ricanaient trop fort, les femmes de chambre jasaient trop haut ; enfin il semblait régner dans toute la maison un air d’intelligence. Alice Bean, la jolie fille de la caverne, qui, depuis le malheur de son père, comme elle disait, servait à Rose de fille de chambre, riait et s’en donnait plus que personne. Mais Rose et Édouard supportaient toutes ces petites vexations, comme bien d’autres les ont supportées avant et depuis : sans doute qu’ils se dédommagèrent par la suite, quoiqu’on n’en dise rien, des six jours de persécution qu’ils eurent à passer à Duchran.

Il fut enfin arrêté qu’Édouard irait à Waverley-Honour faire les préparatifs convenables pour son mariage, puis à Londres prendre les mesures nécessaires pour obtenir son pardon, et qu’il reviendrait au plus vite réclamer la main de son aimable fiancée. Il se proposa aussi, dans ce voyage, de visiter le colonel Talbot,