Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/454

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d’y mettre le feu. Et quoique, de certains côtés, l’épaisseur des murailles eût résisté à l’incendie, les écuries et les hangars avaient été dévorés par les flammes. Les tours et les donjons du bâtiment principal étaient noirs de fumée ; les pavés de la cour fracassés ou déplacés ; les portes arrachées ou tenant encore à un gond ; les fenêtres brisées, démontées ; enfin la cour jonchée de meubles qu’on avait pris plaisir à briser. Ces vieux écussons auxquels le baron, dans l’orgueil de son cœur, avait attaché tant d’importance et de vénération, avaient été souillés avec un soin extrême. La fontaine était démolie, et l’eau qui l’alimentait coulait au travers de la cour. Le bassin de pierre semblait servir d’abreuvoir aux bestiaux, d’après la manière dont il était disposé. Toute la famille des ours, grands et petits, avait été aussi rigoureusement traitée que ceux de l’arène, et un ou deux portraits de famille que les soldats semblaient avoir pris pour boucliers traînaient en lambeaux dans la boue. Ce fut avec, un grand serrement de cœur, comme on peut se l’imaginer, que Waverley contempla cette scène de désolation dans un château si respecté. Ses craintes sur le sort des propriétaires, son inquiétude pour savoir ce qu’ils étaient devenus, augmentaient à chaque pas. Quand il entra sur la terrasse, ce fut un spectacle encore plus affligeant. La balustrade était renversée, les murs démolis, les plates-bandes couvertes d’herbes, les arbres à fruits coupés et arrachés : dans un coin de ce jardin à l’ancienne mode croissaient deux immenses châtaigniers dont la hauteur faisait l’orgueil du baron ; trop indolents peut-être pour les couper, les misérables, guidés par le génie du mal, les avaient minés, et rempli les trous avec force poudre à canon. Un fut mis en pièces par l’explosion, et ses débris mutilés étaient épars à l’entour, encombrant le lieu qu’il avait si long-temps ombragé. L’autre mine ne réussit qu’à moitié : un quart du tronc était détaché de l’arbre, qui, déparé et mutilé d’un côté, étendait encore de l’autre ses rameaux vastes et intacts[1].

Parmi toutes ces traces de ravage, il se trouvait des objets qui affligèrent plus particulièrement Waverley. Contemplant la façade du château ainsi ruiné, dévasté, ses yeux cherchèrent naturellement le petit balcon qui communiquait à la chambre de

  1. Deux châtaigniers qui s’élevaient dans le château d’Invergarry, forteresse de Mac-Donald de Glenarry, furent détruits, l’un entièrement, l’autre en partie, par un acte semblable de vengeance furieuse et insensée.