Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/446

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hommes en bataille, de chaque côté ! » — « Je ne suis pas curieux, colonel ; un bon ordinaire, dit le proverbe de notre pays, vaut un festin. Les troupes avec leurs panaches, les combats, la mêlée, avaient coutume de m’enchanter dans les descriptions des poètes ; mais marcher pendant la nuit, ne pas dormir, coucher à la belle étoile pendant l’hiver, et beaucoup d’autres accompagnements du glorieux métier des armes, ne sont aucunement de mon goût dans la pratique. Quant aux coups, j’en ai eu tout mon soûl à Chifton, où, dix fois, je n’échappai que par miracle. Et vous-même, je pense que… » Il n’osa pas achever.

« J’en ai reçu suffisamment à Preston, voulez-vous dire ? répondit le colonel en riant ; mais c’est ma vocation. »

« Ce n’est pas la mienne, reprit Waverley ; et puisque j’ai remis honorablement dans le fourreau l’épée que je n’avais tirée que comme volontaire, je me contente de cette essai de la vie des camps, et je ne la continuerai pas. » — « Je suis charmé de vous voir dans de tels sentiments ; mais que voulez-vous faire dans le nord ? » — « Premièrement, quelques ports de la côte orientale d’Écosse sont encore au pouvoir des amis du prince ; si je parviens à en engager un, je pourrai aisément m’embarquer pour le continent. » — « Bon ! Votre seconde raison ? » — « Mais, à vous dire la vérité, il y a une personne en Écosse, une personne de qui mon bonheur dépend plus que je ne l’avais cru jusqu’à présent, et sur le sort de laquelle je suis fort inquiet. » — « Émilie avait donc raison ; il y avait au fond de tout cela, une affaire d’amour. Et laquelle de ces deux jolies demoiselles écossaises que vous vouliez absolument me faire admirer, est la beauté préférée ? ce n’est pas miss Glen… j’espère ? » — « Non. » — « Ah ! passe pour l’autre. La simplicité peut se corriger, mais la morgue et la prétention, jamais. Soit : je ne vous en détourne pas. Je crois que cela ne déplaira pas à sir Éverard, d’après ce qu’il m’a dit quand je plaisantais devant lui là-dessus. Seulement j’espère que son père, si assommant avec son jargon prétentieux, son tabac, son latin, ses longues histoires, à faire dormir debout, sur le duc de Perwick, croira nécessaire à sa sûreté d’aller résider en pays étranger. Quant à sa fille, quoique, à mon avis, vous eussiez pu trouver un aussi bon parti en Angleterre, je ne vois aucun obstacle ; car si votre cœur est fixé en faveur de cette Rose des bois écossais, d’un autre côté, sir Éverard a grande opinion de son père et de la noblesse de sa famille, et il désire ardemment de