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lui-même qu’il pourrait un jour leur donner des preuves non équivoques de sa reconnaissance. Après quelques petites difficultés, quelques délais impatientants, et après avoir fait l’acquisition d’habits plus convenables à son rang, quoique parfaitement simples et modestes, il termina son voyage à travers le pays, et se trouva dans la diligence désirée vis-à-vis de mistriss Nosebag, femme du lieutenant Nosebag, adjudant et maître d’équitation dans le… dragons, très-aimable femme de cinquante ans environ, qui portait une robe bleue bordée de rouge et tenait à la main un fouet à manche d’argent.

Mistriss Nosebag était une de ces personnes empressées qui prennent sur elles de faire les frais de la conversation. Elle arrivait du nord, et elle raconta à Édouard que son régiment (le régiment de mistriss Nosebag) aurait taillé à Falkirk[1] de belles croupières aux porte-jupons « si par malheur il ne s’était trouvé là un de ces sales marécages comme il y en a partout en Écosse, de sorte que ce cher petit régiment avait un peu souffert, comme dit mon Nosebag, dans cette malheureuse affaire. Avez-vous servi dans les dragons, monsieur ? » Waverley fut si déconcerté par cette question inattendue qu’il répondit : « Oui. »

« Oh ! je l’aurais deviné du premier coup ! J’ai bien vu à votre tournure que vous étiez militaire, et j’étais sûre que vous n’étiez pas un de ces pieds poudreux, comme mon Nosebag les appelle. Quel régiment, s’il vous plaît ? » C’était une question singulièrement agréable pour notre héros ! Il pensa, et avec raison, que cette bonne dame savait par cœur la liste de tous les régiments de l’armée ; et, pour éviter de se trahir en altérant la vérité, il répondit : « Les dragons de Gardiner, madame ; mais il y a quelque temps que je me suis retiré du service. » — « Ah ! ceux qui ont remporté le prix de la course à la bataille de Preston, comme dit mon Nosebag. Y étiez-vous, monsieur ? » — « J’ai eu le malheur, madame, répliqua-t-il, d’être témoin de cette affaire. » — « C’est un malheur dont peu de dragons sont restés là pour être témoins, à ce que je crois, monsieur. Ha ! ha ! ha ! je vous demande pardon, mais la femme d’un soldat aime à dire un bon mot. »

« Que le diable te confonde ! pensa Waverley ; quel infernal malheur m’a donné pour compagne cette vieille sorcière, qui m’assomme de ses questions ? »

Heureusement la bonne dame ne restait pas long-temps sur le

  1. La bataille de Falkirk fut livrée en janvier 1746. a. m.