Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/416

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reçu le coup de la mort. — « Maintenant à nous deux, monsieur Waverley : voulez-vous nous éloigner à vingt pas dans la plaine ? » Waverley fit ce que Fergus souhaitait. Quand ils furent à quelque distance de la route que suivait le régiment, Fergus se retourna vers lui, et lui dit en affectant un sang-froid extraordinaire : « Je ne m’étonne plus, monsieur, de l’excessive délicatesse que vous m’avez montrée l’autre jour. Un ange, comme vous l’observiez très-bien, n’aurait pas de charmes pour vous, à moins qu’il ne vous apportât un empire en dot. J’ai maintenant un commentaire excellent sur ce texte, qui m’avait paru obscur. » — « Je ne puis comprendre ce que vous voulez dire, colonel Mac-Ivor, à moins que vous n’ayez l’intention arrêtée de me chercher querelle. » — « Votre ignorance affectée, monsieur, ne vous servira de rien. Le prince… le prince lui-même m’a dévoilé vos manœuvres. J’étais loin de penser que vos engagements avec miss Bradwardine étaient le motif qui vous faisait rompre le mariage projeté entre vous et ma sœur. Il paraît que l’assurance que le baron avait changé la destination de son domaine, vous a paru une raison suffisante pour laisser là la sœur de votre ami, et enlever à ce même ami sa maîtresse ? »

« Le prince vous a-t-il dit que j’étais engagé avec miss Bradwardine ? demanda Waverley ; c’est impossible. » — « Il me l’a dit, répliqua Fergus ; ainsi l’épée à la main, et défendez-vous, ou renoncez à vos prétentions à la main de la jeune dame. »

« C’est de la folie, du délire, s’écria Waverley ; où il y a quelque étrange méprise. »

« Allons ! pas d’évasion ! tirez l’épée ! » s’écria le chef transporté de fureur. Lui-même avait déjà dégainé. — « Dois-je me battre quand un fou me cherche querelle ! » — « Alors abandonnez, maintenant et à tout jamais, vos prétentions à la main de miss Bradwardine. » — « Quel droit avez-vous, s’écria Waverley qui commençait à n’être plus maître de lui, quel droit avez-vous, ou tout homme sur la terre, pour me dicter de telles lois ? » Et il tira son épée.

À ce moment le baron de Bradwardine, suivi de quelques hommes de son régiment, arrivait à franc étrier ; quelques-uns par curiosité, d’autres pour prendre part à la querelle, qui, à ce qu’ils avaient entendu dire confusément, avait éclaté entre les Mac-Ivor et le régiment de Bradwardine. Ceux-là, en les voyant arriver, s’ébranlaient pour venir au secours de leur chef, et une scène de