Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/412

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savait qu’il faut quelque prétexte raisonnable pour un duel à mort. Par exemple, vous pouvez proposer un cartel à un homme pour vous avoir marché sur le pied dans la foule, pour vous avoir poussé contre le mur, pour avoir pris votre place au théâtre ; mais le code moderne de l’honneur ne permet pas d’appeler un homme sur le terrain, parce qu’il refuse, malgré votre désir, de continuer de faire la cour à une femme de votre famille, qui a déjà rejeté ses prétentions. Fergus fut donc contraint de dévorer son affront supposé, jusqu’à ce que le temps et la fortune, dont il se promettait d’épier avec la plus grande attention toutes les chances, lui offrissent une occasion de se venger.

Le domestique de Waverley conduisait toujours pour lui un cheval sellé, à l’arrière-garde du régiment, quoique son maître le montât fort rarement. Mais maintenant, irrité au dernier point de la conduite insolente et déraisonnable de son ancien ami, Édouard laissa filer la troupe, monta à cheval, assez résolu à aller trouver le baron de Bradwardine, et à lui demander la permission de servir comme volontaire sous ses ordres au lieu de ceux de Mac-Ivor.

« J’aurais fait une belle affaire, pensa-t-il quand il fut monté à cheval, de m’allier de si près à ce parfait modèle d’orgueil, d’amour-propre et de violence. Un colonel ! en vérité, on dirait un généralissime. Un petit chef de trois à quatre cents hommes ! Son arrogance suffirait, et de reste, au khan de Tartarie ; au grand-turc, au grand-mogol. Quand Flora serait un ange, il faudrait se résoudre à avoir pour beau-frère un nouveau Lucifer d’ambition et d’emportement. »

Le baron, dont l’érudition (comme les proverbes de Sancho dans la Sierra-Morena) semblait se rouiller faute d’exercice, accepta l’offre de Waverley, charmé d’avoir avec lui un auditeur avec lequel il pût entamer quelques dissertations savantes. Ce brave gentilhomme essaya pourtant d’opérer une réconciliation entre les deux anciens amis. Fergus l’écouta froidement, et lui fit une réponse respectueuse mais négative. Quant à Waverley, le baron ne voyait pas de motif pour qu’il fît des avances propres à renouer une liaison que le chef avait brisée avec si peu de raison. Le baron conta tout au prince ; celui-ci, jaloux de prévenir les querelles dans sa petite armée, déclara qu’il ferait lui-même des remontrances au colonel Mac-Ivor sur sa conduite si peu raisonnable. Mais dans la précipitation d’une marche rapide, un ou