Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/405

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pouvait leur accorder, mais des choses même qui n’étaient ni en son pouvoir, ni en celui du plus puissant souverain de la terre. « En vérité, ajouta-t-il, jamais prince ne parut à ses sujets si semblable à un dieu, à en juger au moins par les demandes extravagantes qu’ils m’adressent chaque jour. »

« Le pauvre jeune homme ! dit le colonel, je crois qu’il commence à sentir les difficultés de sa situation ! N’importe, monsieur Waverley, ce que vous venez de faire pour moi est plus qu’un service d’ami, et ne sera jamais oublié tant que Philippe Talbot aura un cœur pour se ressouvenir des bienfaits. Ma vie, non, c’est Émilie qui vous remerciera : cinquante vies ne m’acquitteraient pas envers vous. Je n’hésite pas à vous donner ma parole, comme le prince le désire. La voilà, ajouta-t-il en lui présentant un papier qu’il venait d’écrire ; et maintenant partirai-je ? » — » J’ai pourvu à tout ; vos bagages sont prêts, mes chevaux vous attendent, et une barque a été retenue, avec la permission du prince, pour vous conduire à bord de la frégate le Renard. J’ai envoyé à cet effet un messager à Leith. » — « Tout cela s’arrange pour le mieux ; le capitaine Beaver est mon ami particulier ; il me débarquera à Berwick ou à Shields, d’où je me rendrai en poste à Londres. Remettez-moi le paquet de lettres que vous avez recouvrées par le moyen de votre miss Bean Lean ; je trouverai peut-être occasion d’en faire usage utilement pour vous. Mais j’aperçois votre ami des Highlands, Glen…, je ne puis me rappeler son nom barbare, et son officier d’ordonnance avec lui. J’aurais grand plaisir à me rencontrer avec ce jeune homme, si je n’avais pas maintenant les mains liées ; je rabattrais son orgueil où il rabattrait le mien. » — « Allons donc, colonel Talbot, vous devenez furieux à la vue d’un tartan, comme le taureau, à ce qu’on dit, à la vue de l’écarlate. Vous ressemblez à Fergus ; vous êtes aussi injuste dans vos préjugés nationaux que lui dans les siens. »

La dernière partie de cette conversation avait lieu dans la rue. Quand ils passèrent auprès du chef, le colonel et lui échangèrent un salut froid et cérémonieux, comme deux duellistes qui se rencontrent sur le terrain. Il était évident qu’ils ressentaient l’un pour l’autre une aversion réciproque. « Je n’ai jamais vu le brigand à figure refrognée qui le suit comme un barbet, dit le colonel après être monté à cheval, sans me rappeler les vers que j’ai entendus quelque part, au théâtre peut-être :