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refus, alors comme alors. Et, avec cette résolution de se laisser guider par les circonstances, notre héros s’abandonna au sommeil.


CHAPITRE LV.

UN BRAVE DANS LA PEINE.


Pour le cas où mes belles lectrices penseraient que la légèreté de notre héros en amour est absolument impardonnable, je dois leur rappeler que tous ses chagrins et tous ses embarras ne provenaient pas de cette source. Le poète lyrique lui-même, qui déplore d’une façon si touchante ses infortunes amoureuses, n’oublie pas qu’en même temps il était ivre et endetté, ce qui aggravait singulièrement ses tendres chagrins.

Il y avait des jours entiers où Waverley ne pensait ni à Flora ni à Rose Bradwardine, et qu’il passait à réfléchir tristement sur le sort des habitants du château de Waverley et sur l’issue incertaine de la guerre civile dans laquelle il s’était engagé. Le colonel Talbot discutait souvent avec lui la justice de la cause qu’il avait embrassée : « Non, lui disait-il, qu’il vous soit possible de l’abandonner pour le moment ; arrive ce qu’il pourra, vous devez être fidèle au serment que vous avez prêté avec tant d’imprudence. Mais je souhaite que vous reconnaissiez que le bon droit n’est pas de votre côté ; que vous combattez contre les intérêts véritables de votre pays ; que, comme Anglais et comme patriote, vous devez vous retirer de cette entreprise avant que la boule de neige fonde. »

Dans les discussions politiques, Waverley faisait valoir les arguments ordinaires de son parti, arguments dont il est inutile de fatiguer les oreilles du lecteur. Mais il ne savait trop que répondre quand le colonel l’engageait à comparer les forces avec lesquelles ils entreprenaient de renverser le gouvernement, et celles qui s’assemblaient pour la défense de ce gouvernement. À cette observation Waverley n’avait qu’une réponse : « Plus la cause que j’ai embrassée est périlleuse, plus il y aurait de honte à la déserter. » À son tour, par cette réflexion, il réduisait le colonel Talbot au silence et il faisait changer de sujet à la conversation.