Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/396

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Flora a deux ans de plus que moi. Je la regarderai bien attentivement ce soir. »

Après cette résolution, Waverley alla prendre le thé (comme c’était la mode il y a soixante ans) chez une dame de qualité, attachée à la cause du Prétendant ; il y trouva, comme il s’y attendait, les deux amies. Quand il entra tout le monde se leva ; mais Flora reprit aussitôt sa place et la conversation dans laquelle elle était engagée ; Rose au contraire fit, par un mouvement inaperçu, une petite place dans le cercle en retirant son siège, pour que Waverley pût en avancer un pour lui. « Décidément, ses manières sont engageantes, » se dit-il à lui-même.

Une discussion s’éleva sur la question de savoir laquelle de la langue gaélique ou de l’italienne était la plus harmonieuse et la plus favorable à la poésie : l’opinion en faveur du gaélique, qui partout ailleurs n’aurait probablement trouvé aucun défenseur, fut soutenue par sept dames des hautes terres, qui crièrent de toute la force de leurs poumons et assommèrent la compagnie avec des exemples d’euphonie celtique. Flora, voyant les dames des basses terres sourire de ce singulier parallèle, donna quelques raisons pour montrer qu’il n’était pas absolument insoutenable, mais Rose, quand on lui demanda son opinion, se prononça avec chaleur pour l’italien, qu’elle avait appris sous la direction de Waverley. « Elle a l’oreille plus juste que Flora, quoique moins bonne musicienne, se dit Waverley en lui-même. Je suppose que miss Mac-Ivor entreprendra bientôt de comparer Mac-Murrough Nan Foon à l’Arioste ! »

L’assemblée se trouva indécise si l’on prierait Fergus de jouer de la flûte, son instrument favori, ou si l’on inviterait Waverley à lire une pièce de Shakspeare. La maîtresse de la maison, remplie de déférence pour le goût de la société, se chargea de recueillir les suffrages, sous la condition que celui dont les talents ne seraient pas mis à contribution ce soir-là, en ferait jouir la société le lendemain. Il se trouva que la voix de Rose devait décider la question. Flora, qui s’était fait une règle invariable de ne rien faire ni rien dire qui pût paraître un encouragement pour Waverley, avait voté pour la musique, à condition que le baron prendrait son violon pour accompagner Fergus. « Je vous félicite de votre goût, miss Mac-Ivor, pensa Waverley, pendant qu’on lui cherchait un volume de Shakspeare. Cela était bon quand nous étions à Glennaquoich, mais le baron n’est certainement pas un