Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/392

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pour la puissance. Mais j’avais des raisons pour prendre ce titre, titre maudit en ce moment. Il faut vous dire que j’ai appris que le prince a pressé ce vieux fou de baron Bradwardine de ne point laisser passer sa baronnie à son cousin au dix-neuvième ou vingtième degré, qui vient d’accepter un commandement dans les troupes de l’électeur de Hanovre, mais d’en disposer au profit de votre jolie petite amie, miss Rose : et telle étant la volonté de son roi et de son souverain, qui a le pouvoir de changer à son gré la destination d’un fief, le vieux gentleman ne peut s’empêcher d’obéir. » — « Et que deviendra l’hommage ? » — « Maudit soit l’hommage ! Je crois que miss Rose sera condamnée à ôter les pantoufles de la reine, le jour de son couronnement, ou à quelque autre folie pareille. Mais revenons au fait. Rose Bradwardine m’avait toujours paru un parti convenable pour moi, si ce n’eût été la ridicule prédilection de son père pour l’héritier mâle ; mais cet obstacle une fois écarté, je n’en apercevais point d’autre, à moins que le baron ne prétendît que le mari de sa fille ne portât le nom de Bradwardine (ce qui m’était impossible dans ma position, comme vous le savez bien) ; mais je parais à cela en prenant le titre auquel j’avais si bien droit, et qui, sans aucun doute, aurait imposé silence aux scrupules du père. Si elle voulait être vicomtesse de Bradwardine après la mort de son père ; encore mieux, je n’y aurais fait aucune objection. »

« Mais, Fergus, dit Waverley, je ne pensais pas que vous eussiez la moindre affection pour miss Rose, et vous êtes toujours à railler aux dépens de son père. » — « Mon cher ami, j’ai pour miss Bradwardine autant d’affection qu’il en faut pour la future maîtresse de ma maison et la mère de mes enfants : c’est une jolie petite fille, pleine d’intelligence, et certainement sa famille est une des meilleures des basses-terres ; avec quelques leçons de Flora pour les manières du grand monde, elle représentera fort bien. Pour son père, c’est un original, j’en conviens, et souvent fort ridicule ; mais il a donné de si sévères leçons à sir Henri Halbert, au feu le laird de Balmawhapple et à d’autres, que personne n’est tenté de rire à ses dépens ; c’est donc comme s’il n’était pas ridicule. Je vous répète qu’il n’y avait aucun empêchement sérieux… aucun. J’avais tout prévu, tout arrangé dans ma tête. »

« Mais, dit Waverley, aviez-vous demandé le consentement du baron ou celui de Rose ? » — « À quoi bon ? Parler au baron