Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus glorieux pour M. Waverley de les ramener à la raison par la force de ses arguments. — Voulez-vous qu’il se fasse le pacificateur entre tous les cerveaux brûlés d’Highlandais qui sont dans l’armée ? Pardonnez-moi, Flora, de parler ainsi ; vous comprenez bien que cela ne s’applique point à votre frère, il a plus de sens que la moitié de ces gens-là. Mais pouvez-vous penser que ces montagnards arrogants, emportés, furieux, soient à comparer à M. Waverley ? — Je n’établis point de comparaison entre lui et ces hommes grossiers, ma chère Rose ; seulement je m’afflige qu’avec ses talents et son génie, il ne prenne pas dans le monde la place éminente qu’il est en état de remplir, et qu’il ne développe pas toutes les ressources de son caractère et de son esprit pour le triomphe de la noble cause qu’il a adoptée. N’y a-t-il pas Lochiel, et P… et M… et G… tous de l’éducation la plus soignée, doués des talents les plus éminents ? Pourquoi n’imite-t-il pas leur dévouement et leur enthousiasme ?… Bien souvent je suis tentée de croire que son bras est refroidi par cet Anglais hautain et flegmatique, dans la société duquel il passe une si grande partie de son temps. — Le colonel Talbot ? Je n’ai jamais vu d’homme plus déplaisant, à coup sûr. Il a l’air de penser qu’une femme écossaise n’est pas digne de lui offrir une tasse de thé ; mais M. Waverley est si aimable, si bien élevé… »

« Oui, dit Flora en riant, il peut admirer la lune et citer une stance du Tasse. »

« Vous savez aussi comment il s’est battu, » ajouta miss Bradwardine.

« Oui, pour le plaisir de se battre, répondit Flora ; je crois que tous les hommes (c’est-à-dire tous ceux qui méritent ce nom) en feraient autant ; il faudrait, à dire vrai, plus de courage pour s’enfuir. D’ailleurs les hommes, mis en face de leurs semblables, sont poussés par une sorte d’instinct à s’élancer sur eux pour les combattre, comme nous le voyons dans les autres animaux, tels que les chiens, les taureaux, etc. Mais les entreprises grandes et périlleuses ne sont point le fait de Waverley. Il n’aurait jamais été son célèbre aïeul sir Nigel, il aurait été son panégyriste, son faiseur de ballades. Je vous dirai ce qui lui convient, où il sera à sa place, chez lui, au sein d’une vie paisible, douce et monotone, dans une oisiveté studieuse, au milieu de plaisirs élégants et tranquilles, dans son château de Waverley. Il rétablira la vieille bibliothèque dans le goût gothique le plus parfait ; il en