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permettrez de reprendre nos discussions, seulement lorsque nous aurons pu nous mieux connaître. »


CHAPITRE LI.

INTRIGUES D’AMOUR ET DE POLITIQUE.


Il n’est pas nécessaire de rapporter ici l’entrée triomphale du Chevalier dans Édimbourg après l’affaire décisive de Preston. Une circonstance pourtant mérite l’attention, parce qu’elle honore l’âme élevée de Flora Mac-Ivor. Les montagnards qui entouraient le prince, dans la licence et le délire de cet heureux moment, tiraient sans cesse des coups de fusils ; l’un d’entre eux avait par hasard chargé à balle, et la balle effleura la tempe de la jeune lady qui agitait son mouchoir à un balcon[1]. Fergus, témoin de cet accident, se rendit aussitôt auprès d’elle ; et voyant que la blessure n’était qu’une bagatelle, il tira son épée pour s’élancer sur le soldat dont l’imprudence avait exposé sa sœur à un si grand péril ; mais le retenant par son plaid : « Ne faites point de mal à ce malheureux, s’écria-t-elle, ne lui faites pas de mal, remerciez plutôt Dieu avec moi que ce malheur soit arrivé à Flora Mac-Ivor ; car si une whig eût été blessée, on aurait prétendu que le coup était tiré à dessein. »

Waverley échappa à l’inquiétude que lui eût causée cet événement, parce qu’il était nécessairement en arrière, devant conduire le colonel Talbot à Édimbourg.

Ils voyageaient ensemble à cheval, et de temps à autre, comme pour sonder mutuellement leurs sentiments et leurs intentions, ils conversaient sur des sujets généraux et rebattus.

Quand Waverley aborda le sujet qui l’intéressait le plus vivement, savoir, la situation de son père et de son oncle, le colonel Talbot sembla chercher plutôt à alléger son chagrin qu’à l’aggraver. Cette disposition du colonel fut surtout évidente, lorsqu’il

  1. L’accident qu’on suppose arrivé à Flora Mac-Ivor, arriva réellement avec toutes les circonstances que nous rapportons, à miss Nairne, une dame que l’auteur a eu le plaisir de connaître. Comme l’armée des Highlandais entrait dans Édimbourg, miss Nairne, ainsi que d’autres dames qui étaient du parti jacobite, se tenait sur un balcon où elle agitait son mouchoir, lorsque tout à coup une balle partie du mousquet d’un soldat highlandais vint lui effleurer le front. « Grâces à Dieu, dit-elle lorsqu’elle eut recouvré ses sens, heureusement que cet accident est arrivé à moi, dont les principes sont bien connus. Si c’eût été à une whig, on aurait dit que c’était un coup tiré à dessein. »