Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/364

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Fergus, épouvanté d’une discussion interminable, répondit :

« Certainement, baron, » et poussa du coude Waverley pour l’avertir de faire comme s’il comprenait. — « Et vous savez sans doute que la baronnie de Bradwardine, qui est un fief de franc-alleu, ce qu’on appelle en latin, selon Craig, blancum, ou mieux francum, a passé dans ma famille à une condition particulière et honorable : pro servitio de trahendi, seu exuendi caligas regis post battaliam[1] ? » Ici Fergus tourna vers Édouard son œil de faucon, en fronçant le sourcil d’une manière presque imperceptible, et haussa légèrement les épaules. « Or, continua le baron, deux difficultés se présentent à mon esprit sur ce sujet. La première est de savoir si, en aucun cas, je suis tenu à cette obligation, à cet hommage féodal, envers la personne du prince, les titres portant per expressum les bottes du roi lui-même, caligas regis ; et je vous prie de me dire votre avis sur cette grave question, avant d’aller plus loin. »

« Eh ! certainement, répondit Mac-Ivor avec un admirable sang-froid, le prince est régent : à la cour de France on rend à la personne du régent tous les honneurs qui sont dus à celle du roi ; en outre, si j’avais le choix, j’aimerais dix fois mieux ôter les bottes au jeune Chevalier qu’à son père. » — « Sans doute ; mais ce n’est pas seulement une question de personnes. Toutefois votre argument a une grande force, puisqu’il est tiré des usages de la cour de France ; et à coup sûr, le prince, comme un alter ego, a droit de réclamer l’hommagium des grands tenanciers de la couronne, puisque tous les fidèles sujets sont obligés, par l’acte de régence, à respecter le régent comme la personne du roi. Loin donc, loin de moi la pensée de vouloir ternir l’éclat de son autorité en lui refusant un hommage qui doit lui donner tant de splendeur ; car j’ignore même si l’empereur d’Allemagne se fait ôter ses bottes par un franc baron de l’Empire. Mais il y a une grande difficulté, et la voici : le prince ne porte point de bottes, mais simplement des brogues et des trews[2]. »

Ce dernier dilemme faillit compromettre la gravité de Fergus.

« Mais, baron, dit-il, vous connaissez le proverbe qui dit : « Il est malaisé d’ôter la culotte d’un montagnard ; » et les bottes se trouvent ici dans le même cas. »

« Pourtant, le mot caligœ, poursuivit le baron, quoique

  1. Mot à mot « pour le service de tirer les bottes du roi après la bataille. »
  2. Espèce de culotte avec des bas, le tout d’une seule pièce. a. m.