Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/363

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core une fois combattu pour cette vieille cause, quoique je n’aie pas tant besogné que vous, mes enfants, puisque j’étais chargé de tenir en réserve notre petit corps de cavalerie ; et un cavalier ne doit jamais envier la gloire de ses compagnons d’armes, même quand ils ont couru trois fois plus de danger, parce qu’il peut à quelque jour, Dieu aidant, se trouver en pareil cas. Mais Glennaquoich, et vous. M, Waverley, je vous prie de m’aider de toutes vos lumières au sujet d’une affaire fort importante, et qui touche de bien près à l’honneur de la maison Bradwardine. Je vous demande pardon, enseigne Maccombich, et à vous, Inveraughlin, et à vous, Edderalshendrach, et à vous, monsieur… »

La dernière personne à laquelle il s’adressait était Ballenkeiroch, qui, se rappelant la mort de son fils, lança à Bradwardine un regard de provocation. Le baron, aussi vif que l’éclair qui brille et disparaît, avait déjà froncé le sourcil, quand Glennaquoich, prenant à part son major, lui remontra, avec le ton impératif d’un chef, la folie de raviver en pareil moment une vieille querelle.

« La terre est couverte de cadavres, dit le vieux montagnard en s’éloignant malgré lui ; un de plus y eût été à peine remarqué ; et si ce n’était à cause de vous, Vich-Jan-Vohr, c’eût été celui de Bradwardine ou le mien. »

Le chef l’apaisa en l’entraînant, et revint ensuite au baron. « C’est Ballenkeiroch, lui dit-il à demi-voix et avec mystère, le père du jeune homme qui périt il y a huit ans à la malheureuse affaire des Mains. »

« Ah ! dit le baron en adoucissant aussitôt la sévérité incertaine de ses traits, je puis souffrir beaucoup d’un homme à qui j’ai malheureusement causé une si grande peine ; vous avez bien fait de m’en prévenir, Glennaquoich ; il peut me lancer des regards aussi noirs qu’une nuit de la Saint-Martin, avant que Cosme Comyne Bradwardine se dise offensé. Ah ! je n’ai pas de postérité mâle, et je puis endurer quelque chose d’un homme que j’ai privé de son fils ; quoique vous sachiez bien que tout s’est légalement passé à votre propre satisfaction, et que j’ai depuis expédié des lettres mortuaires. Eh bien ! comme je disais, je n’ai pas de postérité mâle, et pourtant je dois maintenir l’honneur de ma maison : c’est là-dessus que je vous avais priés de m’accorder toute votre attention. »

Les deux jeunes gens attendaient avec une curiosité inquiète.

« Mes enfants, continua-t-il, d’après votre éducation, je crois que vous devez comprendre le vrai caractère des droits féodaux ? »