Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/361

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Des cris de triomphe retentissaient alors dans toute la plaine. La bataille était finie et gagnée ; l’artillerie, les munitions de guerre et les bagages, tout resta au pouvoir des vainqueurs ; jamais victoire ne fut plus complète ; à peine quelques hommes échappèrent-ils, à l’exception de la cavalerie, qui avait pris la fuite au commencement de la bataille ; encore était-elle divisée en plusieurs corps, et disséminée dans tout le pays. Autant que cela se rapporte à notre histoire, nous n’avons plus à raconter que le sort de Balmawhapple, qui, monté sur un cheval aussi têtu et emporté que son maître, poursuivait les dragons à quatre milles environ du champ de bataille, lorsque quelques douzaines de fuyards, reprenant un peu de cœur, firent volte-face, et, lui brisant le crâne avec leurs sabres, montrèrent que le malheureux gentilhomme avait réellement une cervelle : ainsi sa mort prouva une chose dont on avait beaucoup douté pendant sa vie. Il fut peu regretté ; la plupart des gens qui le connaissaient approuvèrent la remarque de l’enseigne Maccombich, savoir : qu’il y avait plus d’un mort à Sheriff-Muir. Son ami le lieutenant Jinker se mit en frais d’éloquence seulement pour disculper sa jument favorite de toute complicité dans la catastrophe : « Je l’ai répété mille fois au laird, disait-il, que c’était une grande honte de mettre une martingale à la pauvre bête, quand il pouvait la mener avec une gourmette longue d’un demi-pied ; et que, pour ne point parler d’elle, il s’attirerait nécessairement quelque malheur en la faisant abattre ou autrement ; au lieu que s’il eût voulu se servir d’un simple mors et d’un filet, elle se serait laissé conduire aussi aisément qu’un cheval de charrette. »

Telle fut l’oraison funèbre du laird de Balmawhapple[1].

    vement auprès de lui, et qu’il avait reçu l’ordre de soutenir, n’avait pas d’officier pour les commander ; il s’écria vivement : « Ces braves gens seront-ils donc taillés en pièces faute d’un commandant ! » En parlant ainsi, il se dirigea au galop vers eux, et leur dit : « Feu ! mes amis, et ne craignez rien. » Mais, dans le temps même que ces paroles sortaient de sa bouche, un montagnard s’avança vers lui avec une faux attachée à une longue perche, et lui en porta un coup si violent sur le bras droit, que son épée lui tomba de la main ; et plusieurs autres se précipitant sur lui pendant qu’il était encore sous le coup de cette arme terrible, il fut jeté à bas de son cheval. Au moment où il tomba, un autre Highlandais le frappa avec une claymore ou lochaber sur le derrière de la tête : ce fut là pour lui le coup mortel. a. m.

  1. Il est inutile de dire que le caractère de ce jeune laird si grossier est entièrement d’invention. Cependant un gentilhomme qui ressemblait à Balmawhapple, mais pour le courage seulement, périt à Preston de la manière que j’ai décrite. Un gentleman du Perthshire, recommandable par sa bravoure et par l’élévation de son caractère, un de ces vaillants cavaliers qui suivirent la fortune de Charles-Édouard, poursuivit les dragons fugitifs, presque seul, jusqu’auprès de Saint-Clement’s-Wells, où les