Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/353

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Ce terrible repos dura quelques instants : alors Fergus et un autre chef reçurent l’ordre de diriger leurs corps respectifs sur le village de Preston pour harceler le flanc gauche de l’armée ennemie, et forcer sir Cope à changer de position. Pour exécuter ponctuellement cet ordre, le chef de Glennaquoich se plaça dans le cimetière de Tranent, poste élevé, et lieu fort convenable, comme Evan Dhu l’observait, « pour tous les gentilshommes qui auraient le malheur d’être tués et qui désireraient une sépulture chrétienne. » Afin de mettre en pièces ou de déloger cette troupe, le général anglais fit avancer deux canons escortés par un nombreux escadron de cavalerie. Ils approchèrent si près, que Waverley put fort bien reconnaître l’étendard du corps où il avait commandé et entendit les trompettes et les tymbales au son desquelles il lui avait fallu si souvent marcher. Il distinguait aussi les mots de commandement qui lui étaient si connus, prononcés en anglais par une voix qu’il ne connaissait pas moins bien, celle de l’officier pour qui il avait eu tant de respect. Il y eut un moment où, jetant les yeux autour de lui, et voyant le costume et l’équipement singulier de ses camarades montagnards, entendant leurs chuchotements dans une langue barbare et inconnue, il regarda son propre habillement, si différent de celui qu’il avait porté depuis son enfance, et souhaita de se réveiller et de sortir de ce qui lui semblait en ce moment un songe étrange, horrible et surnaturel. « Bon Dieu ! pensa-t-il, suis-je donc traître à mon pays, déserteur de mon drapeau ; enfin, comme disait ce pauvre homme en mourant, ennemi de ma terre natale, de l’Angleterre ! »

Avant qu’il pût étouffer ces souvenirs, son ancien colonel s’était avancé pour reconnaître, et découvrait en plein sa grande taille militaire. « Maintenant je puis l’abattre, » dit Callum en levant avec précaution son fusil par dessus la muraille derrière laquelle il était couché à moins de soixante pas.

Il sembla à Édouard qu’on allait commettre un parricide en sa présence. Car les cheveux blancs, l’air imposant et vénérable du vieux soldat, rappelaient le respect tout filial que la plupart de ses officiers lui témoignaient. Mais avant qu’il eût pu s’écrier « Arrête ! » un vieux montagnard, placé près de Callum Beg, lui retint le bras. « Gardez votre coup, dit l’homme à la seconde vue, son heure n’a pas encore sonné ; mais qu’il prenne garde à lui demain… Je vois son suaire sur sa poitrine. »

Callum aussi sourd qu’une pierre pour d’autres motifs, était