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patois de son comté natal, tâchait, quoique souvent interrompue par la douleur, de réciter la prière du Seigneur. La voix de l’infortune trouvait toujours un écho dans le cœur de notre héros ; il entra dans la cabane, qui semblait construite pour faire ce qu’on appelle en Écosse, dans les comtés riches en troupeaux, une maison d’engrais ; et à travers l’obscurité, Édouard put seulement apercevoir une espèce de paquet rouge ; car les soldats, qui avaient enlevé au blessé ses armes et une partie de ses vêtements, lui avaient laissé le manteau de dragon dont il était enveloppé.

« Pour l’amour de Dieu, dit le blessé quand il entendit les pas de Waverley, donnez-moi une goutte d’eau… une seule !… »

« Vous allez l’avoir, » répondit Waverley en le prenant dans ses bras ; et, le portant à la porte de la cabane, il le fit boire à son propre flacon.

« Il me semble que je connais cette voix, » dit l’homme ; mais, fixant d’un œil égaré le costume de Waverley…, « non, continua-t-il, ce n’est pas le jeune maître… »

C’était le titre qu’on donnait d’habitude à Édouard dans les domaines de Waverley-Honour, et ce nom fit tressaillir son cœur, en lui présentant mille souvenirs que l’accent bien connu de son pays natal avait déjà réveillés. « Houghton !… s’écria-t-il en contemplant les traits pâles du blessé déjà défigurés par la mort, est-ce bien vous ?… »

« Je n’espérais pas entendre encore la voix d’un Anglais, répondit celui-ci ; ils m’ont jeté là sans s’inquiéter si je serais mort ou vivant dans une heure, parce que j’ai refusé de leur dire la force de notre régiment. Mais, jeune maître ! pourquoi nous avoir quittés si long-temps, nous avoir laissé croire les impostures de cet infâme Ruffin ? Pour sûr, nous vous eussions suivi à travers eau et feu. » — « Ruffin ! Je vous assure, Houghton, que vous avez été indignement trompés. » — « Je l’ai souvent pensé, quoiqu’ils nous montrassent votre cachet ; mais Timms a été fusillé, et moi je suis redevenu simple soldat. »

« Ne vous épuisez pas à parler, dit Édouard ; je vais vous chercher un chirurgien. »

Il vit approcher Mac-Ivor qui revenait du quartier-général, où s’était tenu un conseil de guerre, et qui se hâtait de le rejoindre. « Bonnes nouvelles ! s’écria le chef, nous commencerons avant deux heures. Le prince s’est mis lui-même à la tête de son armée,