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un canon de fer, la seule pièce d’artillerie au pouvoir d’une armée qui entreprenait une si importante révolution, fut tiré : c’était le signal du départ. Le Chevalier avait témoigné le désir qu’on abandonnât cette pièce de campagne tout à fait inutile ; mais à sa grande surprise, les chefs montagnards se réunirent pour solliciter la permission de l’emmener avec eux, alléguant la superstition de leurs clans, qui, peu accoutumés à l’artillerie, attachaient une importance ridicule à cette pièce, et s’imaginaient que sans elle il leur serait fort difficile, avec leurs mousquets et leurs épées seulement, de remporter une victoire. Deux ou trois artilleurs français furent donc chargés d’en faire le service ; mais la machine de guerre, traînée par un attelage de bidets des montagnes, ne servit après tout qu’à donner des signaux[1].

À peine sa voix eut-elle retenti dans cette occasion, que toute la ligne se mit en mouvement ; de féroces cris de joie déchiraient l’air à mesure que chaque bataillon s’ébranlait, mais ils se per-

  1. Cette circonstance, qui est historique aussi bien que la description qui précède, rappellera au lecteur la guerre de la Vendée, dans laquelle les royalistes, qui n’étaient en grande partie que des paysans insurgés, attachaient un intérêt extraordinaire et presque superstitieux à la possession d’une pièce de campagne, qu’ils appelaient Marie-Jeanne.
    Les Highlandais, dans l’origine, étaient effrayés du canon, dont le bruit et les effets leur étaient totalement inconnus. Ce fut à l’aide de trois ou quatre petites pièces d’artillerie que les comtes de Huntley et de Porol, du temps de Jacques VI, remportèrent la victoire à Glenlivat sur une nombreuse armée d’Highlandais, commandée par le comte d’Argyle. À la bataille du pont de Dee, le général Meddleson dut à son artillerie un succès pareil, les Highlandais n’étant pas en état de soutenir la décharge de la Mère aux mousquets, nom qu’ils donnaient aux canons. Dans une vieille ballade sur la bataille du pont de Dee on trouve ces vers :

    Le Highlandais est un vaillant guerrier

    Armé de son épée et de son bouclier ;
    Mais en rase campagne il ne semble plus guère

    Qu’un mortel timide et vulgaire.

    Le Highlandais est habile guerrier
    À manier la terrible claymore ;
    Mais pour braver le boulet meurtrier.

    C’est un homme nu qui s’ignore.

    Le fracas du canon dans une nuit d’été,

    Est pareil au bruit du tonnerre ;

    Jamais d’un Highlandais la sauvage fierté

    N’a du canon méprisé la colère.


    Les Highlandais de 1745 n’en étaient plus à la simplicité de leurs grands pères ; ils montrèrent dans tout le cours de cette guerre combien ils redoutaient peu l’artillerie, quoique la multitude attachât toujours une grande importance à la pièce de campagne qui a donné lieu à cette note.