Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/343

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se tuer en franchissant haies et fossés. Les mouvements irréguliers et la disparition de ces petits corps, aussi bien que la confusion occasionnée par ceux qui cherchaient à passer tout droit, et, bien qu’inutilement, à fendre les rangs des montagnards malgré leurs malédictions, leurs jurements et leur résistance, contrastaient d’une manière pittoresque et bizarre avec l’ordre qui s’organisait dans l’armée.

Tandis que Waverley contemplait à loisir ce singulier spectacle, que rendaient plus imposant encore les coups de canon tirés de temps à autre du château sur les sentinelles montagnardes, quand elles passaient aux environs pour rejoindre le corps principal, Callum, avec sa liberté ordinaire, lui rappela que le clan de Vich-Jan-Vohr se trouvait presque en tête de la colonne qui était encore éloignée, et « qu’on irait bon train une fois le canon tiré. » Waverley doubla donc le pas, mais non sans jeter souvent les yeux sur les masses sombres de guerriers réunies en face et au-dessous de lui. Mais de plus près, l’armée présentait peut-être un aspect moins imposant que lorsqu’on l’apercevait de loin. Les premières lignes de chaque clan étaient armées de sabres, de targes, de fusils ; tous avaient des poignards, presque tous des pistolets. Mais c’étaient des gentilshommes, c’est-à-dire des parents du chef, plus ou moins éloignés, et qui avaient droit à son appui et à sa protection. On n’eût pas choisi dans les armées d’Europe des hommes mieux faits et plus résolus ; habitués à vivre libres et indépendants, toutefois si dociles aux commandements du chef, et combattant d’après une tactique particulière aux montagnards, ils étaient aussi formidables par leur fermeté et leur courage individuel, que par leur intime conviction qu’il fallait agir de concert et donner à leur mode d’attaque national la plus grande chance de succès.

Mais aux derniers rangs se trouvaient des soldats moins bien équipés, les paysans des montagnes : quoiqu’ils ne pussent supporter ce nom et qu’ils prétendissent souvent, avec une apparence de raison, que leurs familles étaient plus anciennes que celles des maîtres qu’ils servaient, ils portaient toutefois la livrée d’une extrême misère, étaient mal équipés et plus mal armés, presque nus, petits et laids. Chaque clan considérable avait à sa suite un certain nombre de ces ilotes. Ainsi les Mac-Couls, quoique descendants de Comhal, père de Finn ou Fingal, étaient une sorte de Gabaonites ou serviteurs héréditaires pour les Stuarts