Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/324

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dire qu’elle se porte bien, et qu’elle demeure pour le moment dans cette ville chez une parente. J’ai cru convenable de la faire venir ici, car depuis nos succès, bon nombre de dames illustres fréquentent notre cour militaire ; et je vous assure que c’est beaucoup d’être proche parent d’une personne telle que Flora Mac-Ivor ; et quand il y a si grande rivalité de demandes et de sollicitations, on doit employer tout moyen honnête de grossir son importance. »

Il y avait dans cette dernière phrase quelque chose qui blessait Édouard ; il lui répugnait à penser que Flora fût considérée par son frère comme un moyen de faveur, grâce à l’admiration qu’elle devait indubitalemeni exciter. Quoique ce calcul n’eût rien d’étonnant chez un homme tel que Fergus, il sembla pourtant à notre héros dicté par l’égoïsme et indigne de l’esprit élevé de la sœur, aussi bien que de l’orgueil indépendant du frère. Fergus, à qui de pareilles manœuvres étaient familières, puisqu’il avait vécu à la cour de France, ne remarqua point l’impression défavorable que, par mégarde, il avait faite sur l’esprit de son ami, et termina en disant qu’il leur serait difficile de voir Flora avant le soir, où elle devait venir au concert et au bal de la cour. « Nous avons eu déjà querelle ensemble sur ce qu’elle n’était point venue vous dire adieu ; je n’ai nulle envie de recommencer ; en la priant de vous recevoir ce matin, peut-être ne ferais-je par mon intervention, que l’empêcher de vous voir dans la soirée. »

Pendant qu’ils causaient ainsi, Waverley entendit dans la cour, sous les fenêtres du salon, une voix bien connue. « Je vous jure ; mon digne ami, disait-on, que c’est une violation manifeste de la discipliné militaire ; et si vous n’étiez encore, pour ainsi dire, que tyro, votre conduite mériterait de graves reproches. Un prisonnier de guerre ne doit jamais être chargé de fers, ni jeté in ergastulo, comme il fût arrivé si vous aviez mis ce gentilhomme au fond des souterrains de Balmawhapple. J’accorde pourtant qu’on peut enfermer un gentilhomme, pour plus de sûreté, in carcere, c’est-à-dire dans une prison publique[1]. »

On entendit la voix grognarde de Balmawapple comme s’il s’éloignait mécontent ; mais le mot vaurien fut le seul qu’on put distinguer. Le capitaine avait disparu quand Waverley sortit pour présenter ses respects au digne baron de Bradwardine. L’uniforme

  1. Tyro, novice, recrue ; in ergastulo, dans un cachot, où l’on avait les fers aux pieds. a. m.