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CHAPITRE XLI.

LE MYSTÈRE COMMENCE À S’ÉCLAIRCIR.


« Comment le trouvez-vous ? » fut la première question de Fergus, tandis qu’ils descendaient le large escalier de pierres.

« C’est un prince pour qui l’on doit vivre et mourir, répondit Waverley avec enthousiasme. — « Je savais bien que vous penseriez ainsi quand vous l’auriez vu, et je voulais que vous fissiez connaissance plus tôt, mais cette maudite entorse vous a privé de ce bonheur. Pourtant il a son côté faible, ou plutôt il a de mauvaises cartes à jouer, et ses officiers highlandais, qui sont nombreux, ne lui donnent pas d’excellents conseils[1] ; ils ne peuvent s’entendre sur toutes les prétentions qu’ils mettent en avant. Le croiriez-vous ? il m’a fallu pour le moment renoncer à mon titre de comte que j’avais mérité par dix ans de services, pour ne pas exciter la jalousie, ma foi, de C… et de M… — Mais vous avez bien fait, Édouard, de refuser la place d’aide-de-camp. Il y en a deux de vacantes, oui, mais Clanronald et Lochiel, et presque tous les chefs enfin, en ont demandé une pour le jeune Aberchallader, et les Irlandais, les gens des basses terres, désirent obtenir l’autre pour le Maître de F… Si l’un de ces candidats était évincé en votre faveur, vous vous feriez des ennemis. Mais je suis surpris que le prince vous ait offert le grade de major, quand il sait fort bien qu’il faudrait un titre de lieutenant-colonel pour en contenter d’autres qui ne peuvent amener cent cinquante hommes sur le champ de bataille. — Mais patience, cousin, et mêlez les cartes ! voilà qui ne va point mal pour le moment ; il faut que nous vous équipions pour ce soir dans votre nouveau costume ; car, à vrai dire, votre homme extérieur n’est pas présentable à la cour. »

« Ah ! dit Waverley en regardant son habit déchiré, ma veste

  1. Les divisions ne tardèrent pas à éclater dans la petite armée du Chevalier, non seulement entre les chefs indépendauts, trop orgueilleux pour obéir les uns aux autres, mais entre les Écossais et le gouverneur de Charles, O’Sullivan, Irlandais de naissance, et qui ayant été, comme plusieurs de ses camarades, dans la brigade irlandaise au service du roi de France, avait une influence marquée sur l’aventurier, laquelle excitait le ressentiment des Highlandais, qui voulaient que leurs clans fussent la principale ou la seule force de l’entreprise. Il y eut aussi une querelle entre lord George Murray et John Murray de Broughton, secrétaire du prince ; la rupture entre ces deux gentilshommes embarrassa les affaires de l’aventurier. En général, mille prétentions divisaient leur petite armée et ne contribuèrent pas peu à sa défaite.