Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/311

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« Faire le message d’un fou, j’en ai peur, » répondit le lieutenant communicatif.

« En ce cas, dit Waverley, résolu à ne pas épargner les politesses, j’aurais pensé qu’un personnage tel que vous ne se serait pas mis en route pour une pareille commission. »

« C’est vrai, c’est vrai, monsieur, reprit l’officier, mais on ne fait pas toujours ses volontés. Vous le savez sans doute, le laird m’a acheté tous ces chevaux pour monter sa troupe, et est convenu de me les payer suivant les circonstances et les prix du temps. Mais alors il n’avait pas un sou vaillant, et j’ai appris que son billet ne vaudrait pas une tête d’épingle sur l’État, et pourtant j’avais tous mes marchands à payer à la Saint-Martin ; ainsi, comme il m’offrait amicalement ce grade, et que je n’avais pas à espérer que le vieux Fifteen[1] me fît rembourser mon argent pour avoir fourni des chevaux contre le gouvernement ; en bien ! monsieur, la conscience ! j’ai pensé que je n’avais rien de mieux à faire pour obtenir paiement que d’aller dehors moi-même[2] ; et vous pouvez croire, monsieur, qu’ayant vendu des licous toute ma vie, je n’ai pas grand’peur de me voir mettre au cou une cravate de Saint-Johnstone. »

« Alors vous n’êtes point soldat de profession ? » dit Waverley.

« Non, non, Dieu merci, répliqua cet intrépide partisan ; je n’étais pas né pour une si courte longe ; je devais manger à plein râtelier. J’étais né pour vendre des chevaux, monsieur ; et si je puis vous voir à Whitson-Tryst, ou à Stagshawbank, ou à la foire d’hiver de Hawick, et que vous ayez besoin d’un bon coureur à dévorer le chemin, foi d’honnête homme, je vous servirai comme il faut, car Jamie Jinker n’est pas un garçon à en imposer à un gentilhomme. Vous êtes gentilhomme, monsieur, et vous devez vous connaître en chevaux : vous voyez la superbe bête que monte Balmawhapple, c’est moi qui la lui ai vendue ; elle est née

  1. Les juges de la cour suprême d’Écosse, dit l’auteur, sont proverbialement appelés par les paysans, The Fifteen, les quinze. a. m.
  2. To go out, ou to have been out, c’est-à-dire, aller dehors ou avoir été dehors, en Écosse, était une phrase correspondante à celle des Irlandais ho go up ou to have been up, avoir été en haut ; elles signifient toutes deux avoir pris part à la rébellion. En Écosse, c’était un signe de mauvaise éducation de se servir des mots de rébellion et de rebelle, qui auraient pu être regardés par quelques personnages présents comme une insulte personnelle. Il était aussi plus poli, même chez les whig les plus ardents, d’appeler Charles-Édouard, le Chevalier, plutôt que le Prétendant. Cette politesse d’expression avait cours dans la société, où l’on rencontrait des personnes des deux opinions mêlées indistinctement et sur un pied amical. a. m.