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CHAPITRE XXXIX.

LE VOYAGE CONTINUE.


Lorsque Waverley s’éveilla, le jour était déjà fort avancé, et il commença à sentir qu’il n’avait pas mangé depuis long-temps. Ce petit malheur fut bientôt réparé par un déjeuner copieux ; mais le colonel Stewart, pour éviter sans doute les questions de son hôte, ne parut pas lui-même : toutefois, le domestique lui présenta les compliments de son maître, qui offrait au capitaine Waverley tout ce dont il pouvait avoir besoin pour son voyage, car il devait se remettre en route le soir même. À toutes les autres demandes du prisonnier, le valet opposa la barrière impénétrable d’une stupidité ou d’une ignorance réelles ou affectées, il desservit la table, et Waverley fut encore une fois abandonné à ses méditations solitaires.

Tandis qu’il réfléchissait sur les bizarreries de la fortune, qui semblait prendre plaisir à le mettre à la disposition d’autrui, sans qu’il fût jamais libre d’agir à son gré, les yeux d’Édouard rencontrèrent tout à coup son porte-manteau qu’on avait apporté dans sa chambre pendant qu’il dormait. La mystérieuse apparition d’Alice dans la chaumière de la vallée lui revint aussitôt à l’esprit, et il allait prendre et examiner le paquet mis au milieu de ses chemises, quand le domestique du colonel Stewart reparut et chargea le porte-manteau sur son épaule.

« Mais, l’ami, ne puis-je au moins changer de linge ? » — Votre Honneur a les chemises plissées du colonel à son service ; pour vos bagages, j’ai ordre de les mettre dans le fourgon. »

À ces mots, il emporta tranquillement le porte-manteau, sans écouter de plus longues remontrances, laissant notre héros dans un état où le désappointement et le dépit se disputaient à qui prendrait le dessus. Il entendit bientôt une voiture sortir de la cour inégale, et ne douta point qu’il ne fût alors privé, pour un temps du moins, sinon pour toujours, des seuls documents qui semblaient promettre d’éclaircir quelque peu les singuliers événements qui venaient d’influer sur son sort. Il eut encore quatre ou cinq heures de solitude pour se livrer à ces tristes réflexions.

Au bout de ce temps, il entendit des chevaux piaffer dans la cour, et bientôt après le colonel Stewart vint prier son hôte de