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lui firent accepter avec le plus grand plaisir. On plaça son porte-manteau sur le second cheval, Duncan sauta sur le troisième, et ils poursuivirent leur route d’un bon pas, accompagnés de leur escorte. Il n’arriva rien de remarquable durant le reste de la nuit, et au point du jour ils se trouvèrent au bord d’une rivière rapide. Le pays d’alentour était à la fois fertile et pittoresque. Sur les rives couvertes ne bois, on voyait çà et là des champs de blé, et la récolte, à demi terminée, semblait des plus abondantes.

De l’autre côté de la rivière et entouré en partie par un détour de ses eaux, s’élevait un vaste et massif château dont les tourelles presque ruinées étaient déjà éclairées par les premiers rayons du soleil[1]. L’édifice avait la forme d’un carré long assez étendu pour renfermer une large cour intérieure. Les tours de chaque angle étaient plus hautes que les autres fortifications, et en outre étaient surmontées par des donjons de hauteur inégale et de forme irrégulière. Sur un de ces donjons veillait une sentinelle dont le bonnet et le manteau agité par le vent faisaient re-

  1. « Ces nobles ruines sont chères à ma mémoire, elles me rappellent des souvenirs douloureux et qui datent déjà de long-temps. Le château de Doune domine les bords de la rivière de Teith. C’était l’un des plus vastes édifices de ce genre en Écosse ; Madoch, duc d’Albanie, fondateur de ce magnifique manoir, fut décapité sur le Castlehill de Stirling, d’où il pouvait voir les tours de Doune, monument de sa grandeur passée.
    « En 1745 ou 46, une garnison fut placée au nom du Chevalier dans ce château, alors moins délabré qu’à présent. Elle était commandée par M. Stewart de Ballock, en qualité de gouverneur pour le prince Charles. C’était un gentilhomme qui possédait des domaines près de Callender. C’est de ce château que s’échappèrent, d’une manière si romanesque, John Home, l’auteur de Douglas, et quelques autres prisonniers qui avaient été pris à la bataille de Falkirk et renfermés à Doune par les insurgés. Le poète, qui était lui-même abondamment pourvu de cet esprit enthousiaste et de ce goût romanesque pour les aventures qu’il a donnés au jeune héros de son drame, conçut et tenta la périlleuse entreprise de s’évader de prison. Il fit partager ses sentiments à ses compagnons, et quand toute tentative par la force ouverte fut reconnue impossible, ils résolurent de se servir de leurs draps de lit en guise de corde et de descendre par ce moyen. Quatre prisonniers et Home lui-même descendirent sans accident ; mais la corde se rompit sous le cinquième, qui était un homme d’une haute taille et très-puissant. Le sixième était Thomas V Barrow, brave et jeune Anglais, ami particulier de Home. Déterminé à risquer l’entreprise, quelque danger qu’elle présentât, Barrow saisit le drap déchiré, glissa jusqu’au bout, et se laissa tomber à terre. Ses amis qui étaient au bas parvinrent à amortir la violence de la chute, néanmoins il se disloqua la hanche et se brisa plusieurs côtes. Mais ses compagnons l’emportèrent avec eux.
    « Le lendemain les Highlanders se mirent à la recherche de leurs prisonniers avec une grande activité. Un vieux gentleman a dit à l’auteur qu’il se souvenait d’avoir vu le commandant Stewart,

     Le visage enflammé, les éperons sanglants,

    courant à cheval comme un furieux à travers le pays pour rattraper les fugitifs. »
    Note de la nouvelle édition d’Édimbourg. a. m.