Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/276

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que ce malheur n’arrivera pas, d’après ce que nous avons entendu ce soir. »

« Vous croyez ? répliqua Melville ; mais, mon bon ministre, vous êtes de ceux qui veulent étendre sur tous les criminels l’indulgence de l’Église. » — « Oui, sans doute, je le voudrais ; pardon et résignation, voilà les bases de la doctrine que j’ai mission d’enseigner. » — « C’est très-bien parler sous le rapport religieux ; mais le pardon accordé à un criminel pourrait être une grande injustice pour le reste des citoyens. Je ne parle point de ce jeune homme en particulier ; je souhaite du fond de mon cœur qu’il puisse se justifier, car sa modestie et sa vivacité me plaisent. Mais je crains qu’il n’ait mis sa tête en un grand péril… » — « Et pourquoi ? Des centaines de gentilshommes égarés ont maintenant les armes à la main contre le gouvernement ; beaucoup, on n’en peut douter, par des principes que l’éducation et des préjugés d’enfance ont décorés à leurs yeux des noms de patriotisme et d’héroïsme. La justice, quand elle choisira ses victimes parmi cette multitude (car sûrement elle ne les frappera pas toutes), tiendra compte des motifs de leur cause. Que celui que l’ambition, que l’espérance d’un avantage personnel a porté à troubler la paix d’un gouvernement bien établi, soit offert en holocauste aux lois qu’il a violées ; mais la jeunesse égarée par des rêves de la chevalerie et d’une loyauté imaginaire, obtiendra pardon. »

« Si les lois de la chevalerie et une loyauté imaginaire poussent au crime de haute trahison, répliqua le magistrat, je ne connais pas de cour de justice dans la chrétienté, mon cher monsieur Morton, où elles obtiendront leur habeas corpus. »

« Mais je ne vois pas que le crime de ce jeune homme soit si bien prouvé, Dieu merci ! « dit le ministre.

« Parce que la bonté de votre cœur obscurcit votre bon sens, répliqua le major. Écoutez-moi un peu : ce jeune homme descend d’une famille où les sentiments jacobites sont héréditaires ; son oncle est le chef du parti tory dans le comté de… ; son père est un courtisan disgracié et mécontent, son précepteur un ecclésiastique non assermenté, auteur de deux pamphlets contre le gouvernement. Ce jeune homme donc entre dans les dragons de Gardiner, amenant avec lui un corps de recrues levées dans les domaines de son oncle, qui n’ont pas manqué, quand l’occasion s’est présentée, de manifester dans leurs disputes avec leurs