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n’espérait lui-même ; mais on dit que les Indiens de l’Amérique du Nord, attachés au poteau ou lit de torture, dans les intervalles de leur agonie, s’endorment si profondément, qu’on ne peut les éveiller qu’en appliquant sur leurs corps des charbons ardents.


CHAPITRE XXXII.

UNE CONFÉRENCE ET SES RÉSULTATS.


Le major Melville avait retenu M. Morton pendant l’interrogatoire de Waverley, pour deux motifs : il espérait pouvoir profiter de son bon sens, de ses lumières, et de son attachement reconnu au gouvernement établi ; il voulait en outre avoir un témoin de la franchise sans bornes et de la loyauté de ses procédés, quand il s’agissait de l’honneur et de la vie d’un jeune Anglais d’un haut rang, d’une famille distinguée, et l’héritier présomptif d’une très-grande fortune. Chaque pièce de cette instruction serait soigneusement examinée ; il tenait, pour sa justification personnelle, à mettre sa justice et son intégrité au-dessus de toute espèce de soupçon.

Waverley retiré, le laird et l’ecclésiastique s’assirent en silence devant la table dressée pour le souper. Tant que les domestiques furent là, ni l’un ni l’autre ne se souciait de parler du sujet qui l’occupait, et était peu disposé aussi à en choisir un autre. La jeunesse de Waverley, la candeur qui paraissait dans toutes ses réponses, formaient un contraste singulier avec les tristes soupçons qui planaient sur lui ; il y avait en lui une naïveté, des manières libres et ouvertes, qui semblaient annoncer un jeune homme peu familier aux ruses de l’intrigue, et qui plaidaient hautement en sa faveur.

M. Morton et le major repassaient dans leurs souvenirs les particularités de l’interrogatoire, et chacun les voyait diversement, selon ses propres sentiments. Tous deux étaient doués d’un esprit vif et perçant, tous deux également en état de combiner entre elles les diverses circonstances d’un récit, et d’en tirer des conséquences justes et bien déduites ; mais la différence de leur éducation et de leurs habitudes leur faisait souvent tirer des mêmes faits des conclusions bien peu d’accord entre elles.

Le major Melville avait passé sa vie au milieu des camps et du monde. Sa profession l’avait rendu vigilant ; l’expérience l’avait