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CHAPITRE XXX.

QUE LA PERTE D’UN FER À CHEVAL PEUT ÊTRE UN ACCIDENT TRÈS-FÂCHEUX.


Les manières et l’air de Waverley, mais par-dessus tout le brillant contenu de sa bourse, et l’indifférence avec laquelle il semblait le regarder, intimidaient un peu son compagnon, et l’empêchaient de faire aucune tentative pour entrer en conversation. Il formait dans son esprit diverses conjectures à l’égard de son compagnon de voyage, et divers plans, tous relatifs à son intérêt personnel, fondés sur ces conjectures. Les voyageurs chevauchèrent donc en silence, jusqu’à ce que le conducteur le rompît pour annoncer que son bidet avait perdu le fer d’un pied de devant, et que sans doute son honneur considérerait comme étant son affaire de le remettre.

C’était ce que les jurisconsultes appellent une question insidieuse, qui avait pour but de constater jusqu’à quel point Waverley était disposé à se soumettre à cette petite imposition, pour pouvoir agir ensuite en conséquence.

« Mon affaire de remettre le fer de votre cheval, maraud ! » répondit Waverley se méprenant sur l’intention de son interlocuteur. — Sans doute, répondit M. Cruickshanks ; quoique ce cas n’ait point été prévu dans nos conventions, vous ne devez pas compter que je payerai les accidents qui arriveront à mon pauvre cheval pendant qu’il est au service de votre honneur… Pourtant, si votre honneur… — Ah ! vous voulez dire que je payerai le maréchal ! mais où en trouverons-nous un ? »

Enchanté de voir son maître, ou au moins celui qu’il servait pour le moment, en de si bonnes dispositions, M. Cruickshanks l’assura que Cairnvreckan, un village dans lequel ils allaient entrer, possédait un maréchal excellent ; mais comme c’était un professeur, il ne ferrait pas un cheval, pour qui que ce fût, le dimanche ou un jour de fête, sinon en cas d’absolue nécessité, auquel cas il faisait payer six pence par fer. La partie de cette observation, la plus importante pour celui qui la faisait, ne fit guère d’impression sur l’esprit de celui qui l’écoutait ; il se demandait à quel collège appartenait ce professeur vétérinaire ; il ne savait pas qu’on donnait ce nom de professeur à ceux qui