Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/248

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tourmenté par les justes craintes que lui inspire le sentiment de son illégitimité et des dangers auxquels elle l’expose. Je vois qu’il faudra que je vous délivre d’un des cachots de Stirling ou d’Édimbourg. »

« Mon innocence, mon rang, l’intimité de mon père avec lord 31…, le général G…, etc., me serviront, j’espère, de protection, » dit Waverley. — « Vous verrez que ce sera tout le contraire ; ces messieurs auront assez à s’occuper de leurs propres affaires. Encore une fois, voulez-vous prendre les couleurs écossaises, et rester encore quelque temps avec nous au milieu des brouillards et des corbeaux[1], pour l’amour de la meilleure cause qui ait jamais fait tirer l’épée à un brave ? » — « J’ai plusieurs raisons, mon cher Fergus, pour vous prier de m’en excuser. »-Alors, dit Mac-Ivor, je vous trouverai certainement sous peu exerçant vos talents poétiques à composer des élégies sur une prison, ou vos connaissances en fait d’antiquités à découvrir l’origine du caractère oggam[2], ou à déchiffrer un hiéroglyphe punique gravé sur les murs de quelque ancienne voûte d’une architecture curieuse. Ou que dites-vous d’un petit pendement bien joli ? Ma foi, je ne garantirais pas qu’il ne vous fallût passer par cette désagréable cérémonie, si vous rencontrez un corps armé des whigs de l’ouest. »

« Et pourquoi me traiteraient-ils ainsi ? » dit Waverley.

« Pour mille bonnes raisons, répondit Fergus : premièrement, parce que vous êtes Anglais ; secondement, parce que vous êtes gentilhomme ; troisièmement, parce que vous avez abjuré l’épiscopat, et quatrièmement, parce qu’il y a long-temps qu’ils n’ont eu l’occasion d’exercer leurs talents dans ce genre. Mais ne vous désespérez pas, mon cher, tout cela se fera pour la plus grande gloire de Dieu. » — « N’importe, il faut que je me livre à mon sort. » — « Vous êtes donc bien décidé ? » — « Absolument. »

« Vous êtes un entêté, dit Fergus ; mais vous ne pouvez pas aller à pied, et moi je n’aurai pas besoin de mon cheval, car il faut que je marche à la tête des enfants d’Ivor. Vous prendrez le brun Dermid. » — « Si vous voulez me le vendre, je vous en

  1. Un poëme highlandais sur l’expédition de Glencairn, en 1650, contient deux vers dont voici le sens : « Nous resterons quelque temps parmi les corbeaux, à manier l’épée et à courber l’arc. » a. m.
  2. L’oggam est une espèce de vieux caractère irlandais. Mais ce ne fut que très-postérieurement à Fergus que le général Wallancey établit sa théorie des rapports existants entre le celte et le punique ; une scène de Plaute lui suggéra, dit Walter Scott, l’idée de cette théorie. a. m.