Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/243

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douard s’éveillât tout à fait. Cependant l’illusion n’avait pas encore disparu ; il était bien dans un appartement de la forteresse de Jan-Nan-Chaistel, mais c’était la voix de Davie Gellatley qui chantait sous ses croisées les paroles suivantes :


Mon cœur n’est plus ici, mais au sein des montagnes ;
À la chasse il poursuit le chevreuil et le daim ;
Soit aux champs, soit aux bois, ou parmi les campagnes,
Mon cœur est sur les monts, car tel est mon destin.


Curieux de savoir quel motif avait pu déterminer Gellatley à une excursion d’une étendue si peu ordinaire, Édouard se mit à s’habiller à la hâte, et pendant qu’il s’en occupait, Davie changea plus d’une fois l’air qu’il chantait.


Aux montagnes il n’est que des herbes sauvages,
Et que de verts gaillards sans pourpoints et pieds nus ;
Mais nous retrouverons nos antiques usages
Lorsque Jacques et les siens nous seront revenus.


Lorsque Waverley fut habillé et qu’il sortit, il vit que Davie était entré en connaissance avec deux ou trois montagnards fainéants qui ne quittaient presque jamais les portes du château, et il le trouva sautant, cabriolant et dansant avec eux un reel à quatre, espèce de gigue écossaise dont il sifflait l’air lui-même. Il continua de remplir la double fonction de danseur et de musicien jusqu’à ce qu’un joueur de cornemuse, spectateur oisif de son zèle, obligé de répondre au cri unanime de Seid suas, qui l’invitait à jouer de son instrument, vint le remplacer dans cette dernière fonction. L’apparition de Waverley n’interrompit pas l’exercice auquel se livrait Gellatley, seulement il chercha à faire comprendre à notre héros, par ses signes, ses grimaces et quelques contorsions de plus dont il rehaussa la grâce avec laquelle il exécutait cette mesure écossaise, qu’il le reconnaissait parfaitement. Puis, au moment où il semblait le plus occupé à gesticuler, crier et faire claquer ses doigts au-dessus de sa tête, il prolongea tout d’un coup son pas de côté de manière à s’approcher de l’endroit où se tenait Édouard, et continuant de battre la mesure de l’air, ainsi qu’Arlequin dans une pantomime, il glissa une lettre dans la main de notre héros, sans avoir manqué à un seul pas ou fait une seule pause. Édouard, qui reconnut sur l’adresse l’écriture de Rose, se retira pour la lire, laissant le fidèle messager qui l’avait apportée continuer de sauter jusqu’à ce que le musicien ou lui en eût assez.