Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/223

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tion un peu plus grande pour la forme des affaires que pour leur essence, sa facilité à faire de longs discours ennuyeux, consistant en proverbes et en dictons embrouillés par un jargon technique d’office, qui empêchait que l’on ne découvrît la nullité de son talent oratoire, avait acquis un certain nom et de la confiance dans la vie publique, et jouissait même, auprès de plusieurs, de la réputation de grand politique ; non pas comme un de ces orateurs brillants, il est vrai, dont les talents s’évaporent en fleurs de rhétorique et en traits d’esprit, mais comme un homme qui possédait des connaissances solides dans les affaires, qui serait d’un bon usage, ainsi que disent les dames qui achètent de la soie, qui doit être bonne à un service commun et journalier, puisqu’on avoue qu’elle n’est pas fabriquée d’un tissu convenable aux jours de fête.

Cette croyance était devenue si générale, que le parti insurgé du cabinet dont nous avons parlé, après avoir sondé Richard Waverley, fut si satisfait de ses sentiments et de ses moyens, qu’on lui proposa, au cas d’un changement dans le ministère, de prendre une place élevée dans le nouvel ordre de choses, non pas effectivement du premier rang, mais de beaucoup supérieure, tant pour les appointements que pour l’influence, à celle qu’il occupait actuellement. Il n’était guère possible de résister à une proposition aussi séduisante, quoique le grand personnage, sous la protection duquel il était enrôlé tant que ce dernier s’était maintenu en faveur, fût le but principal de l’attaque dirigée par les nouveaux alliés. Malheureusement ce beau projet d’ambition fut coupé dans sa fleur par un mouvement prématuré. Tous les gentilshommes en office qui y étaient intéressés et qui hésitèrent à se démettre volontairement apprirent que le roi n’avait plus besoin de leurs services ; et, quant à Richard Waverley, que le ministre considérait comme plus coupable par son ingratitude, sa démission fut accompagnée de quelque chose qui ressemblait à un mépris personnel et à un affront. Le public, et même le parti dont il partageait la disgrâce, plaignirent peu le désappointement de cet homme d’état égoïste et intéressé ; et il se retira à la campagne avec la triste pensée qu’il avait perdu, en même temps, sa réputation, la confiance, et, ce qu’il déplorait pour le moins autant, les appointements de sa charge.

La lettre de Richard Waverley à son fils, dans cette circonstance, était un chef-d’œuvre en son genre. Aristide lui-même